L’UFC Que Choisir Montpellier a été invitée à participer à la concertation lancée par l’agglomération de Montpellier « quelle eau pour demain dans l’agglomération de Montpellier ?». Suite à cette concertation et au Forum sur l’eau qui vient de la conclure nous souhaitons faire part aux élus qui vont avoir à se prononcer sur les futurs modes de gestion de l’eau et de l’assainissement de nos positions en tant qu’association de consommateurs qui s’est depuis longtemps saisie de cette question.

1 – Des modes de gestion et des prix de l’eau discutables dans les grandes villes

Dans une vaste étude nationale conduite de 2006 à 2008 dans 19 grandes villes (dont Montpellier) à partir des données accessibles, et suivant un mode de calcul décomposant poste par poste (de la production à la distribution) les coûts, l’UFC Que Choisir a pu estimer le juste prix de l’eau. Les principales conclusions de l’étude étaient sans appel :

    • Dans la plupart des villes les prix de l’eau paraissaient excessifs. Pour Montpellier nous estimions que le coût payé par le consommateur était de 40% supérieur au coût de revient estimé.
    • Ces surcoûts étaient particulièrement élevés pour les villes ayant confié la gestion de l’eau à un délégataire privé comme à Montpellier. Les marges obtenues par ces délégataires privés étaient donc excessives et les comptes fournis et mis à disposition du public particulièrement opaques, ne permettant pas d’identifier clairement les différents coûts de gestion et la marge du délégataire.
    • Les contrats de délégation étaient passés pour des durées excessives (25 ans à Montpellier !) et le contrôle exercé par les collectivités sur les délégataires généralement insuffisants.
    • Le mode de gestion : régie publique ou délégataire privé n’était pas un critère déterminant quant à un juste prix de l’eau mais les villes dont les marges de gestion estimées étaient les plus faibles étaient en régie publique.

Suite à cette étude nous avions proposé aux collectivités concernées de confronter nos résultats avec ceux de leurs services de gestion (délégataires privés ou régies publiques). Quelques-unes ont répondu positivement, ce ne fut malheureusement pas le cas de Montpellier.

Cette étude, en posant la question du juste prix de l’eau, du mode de gestion et surtout de la responsabilité de la collectivité dans l’effectivité du contrôle du service fourni par le gestionnaire a contribué à une prise de conscience. Force est de constater que ces dernières années, soit à l’occasion du renouvellement des modes de gestion, soit lors de renégociations des contrats en cours, de nombreuses collectivités (Saint Etienne, Lyon, Bordeaux, Millau…) ont obtenu des baisses significatives du prix de l’eau pour leurs administrés, soit en revenant en régie publique, soit en négociant avec des délégataires privés.

A l’expiration en 2014 de certains contrats de l’agglomération, le tour de Montpellier est venu de se poser la question : quelle politique de l’eau, quel juste prix, quel mode de gestion ? La concertation lancée par l’agglomération se devait de répondre à ces questions.

 

2 – Une concertation limitée

A l’issue de la concertation lancée par l’agglomération et à laquelle nous avons participé plusieurs conclusions s‘imposent.

    • Sans remettre forcément en cause la méthode choisie : consultation d’un panel limité d’usagers sur un nombre limité de questions, on peut s’interroger sur les limites et la représentativité de ce type de consultation. Il est par exemple regrettable que via les communes concernées d’autres modes de débat et de consultation n’aient pas été plus largement organisés.
    • La question du prix de l’eau et son lien avec le mode de gestion, notamment au regard de l’audit des rapports du délégataire, n’a pas vraiment fait l’objet d’une concertation ouverte. Le panel d’usagers n’a pas été invité à se prononcer sur ces questions. Les conclusions de l’audit sur la gestion du délégataire et les options possibles pour un futur mode de gestion n’ont pas été portées à la connaissance du public. Il semblerait que le rapport d’audit mette en lumière des marges excessives du délégataire… confirmant ainsi notre étude de 2006-2008 et permettant de s’interroger sur le contrôle et l’expertise exercées par les collectivités concernées sur la gestion du délégataire.

 

3 – Nos propositions pour « quelle eau pour demain dans l’agglomération de Montpellier ?»

Au vu de nos études, des débats et de la concertation, même limitée, qui vient d’avoir lieu l’UFC Que Choisir Montpellier fait un certain nombre de propositions pour améliorer le service de l’eau de l’agglomération.

Rappelons tout d’abord que ce service est un service public pour la gestion d‘un bien public : l’eau est gratuite, c’est son prélèvement, sa distribution, le traitement des eaux usées qui ont un coût. Ce service est de la responsabilité des collectivités territoriales, qui, même si elles décident d’en déléguer tout ou partie, doivent en assurer le contrôle au meilleur coût dans l’intérêt de tous les usagers.

Nous formulons donc les propositions suivantes :

1 – Que le choix entre régie publique ou délégation privée (ou un mix des deux) soit fait après une analyse des coûts et des services rendus dans l’optique d’un juste prix pour les usagers. L’audit réalisé par l’agglomération (dont nous ne connaissons pas les conclusions) devrait permettre d’éclairer ce choix. Nous pensons qu’une baisse du coût de l’eau est possible pour les usagers de l’agglomération en préservant la qualité du service, la préservation de la ressource, l’amélioration du réseau et les investissements nécessaires.

2 – Régie publique ou délégation privée, le contrôle et l’expertise exercés par les collectivités sur les opérateurs et leurs résultats doivent être rigoureux en s‘appuyant si nécessaire sur des expertises externes indépendantes. Les éventuels contrats de délégation doivent être passés pour des périodes courtes (moins de dix ans) et faire l’objet de clauses de révisions. La marge des délégataires doit être mentionnée et identifiable dans les comptes en se basant notamment sur une approche analytique des coûts (production, réseaux, distribution,..) au regard de données nationales.

3 – La transparence de l’ensemble du service de l’eau (rapport des délégataires et/ou du régisseur, comptes financiers, rapport de la collectivité sur la gestion du service) doit être améliorée. Les différents documents doivent être accessibles sur le site de l’agglomération. La CCSPL doit être élargie à d’autres associations représentants les usagers et actives sur le sujet, quitte à créer au sein de la CCSPL une sous-commission eau. Le pouvoir de contrôle et d’expertise de la CCSPL et des associations doit être renforcé.

4 – La préservation de la ressource en eau doit être un des objectifs prioritaires. Alors que la qualité des eaux ne cesse de se dégrader (cf. rapport de l’agence de l’eau) l’agglomération se doit d’agir via les structures compétentes pour que des mesures plus efficaces soient mises en oeuvre pour combattre tous les modes de pollution notamment d’origines agricoles et industrielles. Rappelons à ce sujet que ce sont les consommateurs qui via leurs factures d’eau supportent la majeure partie du coût de dépollution (près de 90%) alors qu’ils ne sont à l’origine que d’une faible part de la pollution. Nous demandons qu’une meilleure répartition du coût de dépollution soit appliquée entre consommateurs et autres acteurs économiques ce qui est aussi une manière d’inciter ces derniers à des économies d’eau et à une réduction des pollutions dont ils sont responsables.

5 – 20% de l’eau prélevée est perdue dans le réseau de distribution de l’agglomération. Après 25 ans de gestion par le délégataire privé, ce taux de perte nous semble excessif. Un effort significatif doit être entrepris pour réduire ce taux, qui peut l’être tout en réduisant le prix de l’eau, au vu de marges qui semblent ressortir de la gestion actuelle.

6 – Tout le monde s’accorde pour mettre en oeuvre des mesures d’économie. Elles doivent concerner tous les acteurs : consommateurs mais aussi autres acteurs économiques, en luttant contre les usages et pratiques surconsommatrices. Au-delà des mesures diverses d’économie possibles, tous les usagers devraient pouvoir contrôler facilement et régulièrement leur consommation individuelle via leur compteur ou sous-compteur. L’équipement en compteurs divisionnaires des habitats collectifs doit être développé.

7 – En plus de la facture d’énergie, celle de l’eau contribue pour tous les ménages au montant des dépenses contraintes liées au logement qui devient de moins en moins supportable pour une part de plus en plus importante des ménages. Pour ces ménages, nous demandons qu’à l’image de ce qui a été fait pour l’électricité et le gaz une tarification sociale pour l’eau soit mise en place pour alléger le coût de la facture d’eau. Une réduction de la part fixe (montant de l’abonnement) et une tarification progressive peuvent aussi y contribuer tout en incitant à une réduction de la consommation.

UFC Que Choisir Montpellier

Juin 2013