Crise sanitaire locale, devenue mondiale, accompagnée de mesures de confinement de la population inédites dans l’histoire récente, puis crise économique et sociale, la pandémie de Covid-19 marquera, c’est l’évidence, le début de la décennie 2020. Sans être dupes des arrière-pensées politiques qui accompagnent le lancement des réflexions sur le « jour d’après », sans non plus croire que ledit « jour d’après » sera radicalement différent de celui d’avant, l’UFC Que Choisir se devait de proposer sa vision de la société de consommation, qui tirerait les enseignements de la crise que nous traversons.

En effet, avec cette crise et les vives préoccupations exprimées par les consommateurs, il ressort que le double engagement de l’UFC - Que Choisir à promouvoir une consommation plus sobre, plus juste et responsable et à défendre les droits des consommateurs, malmenés au nom de la relance économique, sont plus que jamais d’actualité. Il sera d’autant plus important de peser dans cette période de réflexions que, comme lors de chaque crise économique accompagnée d’une montée du chômage, la tentation sera forte d’encourager la reprise de l’activité à tout prix, au détriment des normes et réglementations ou des droits des consommateurs. Si l’UFC – Que Choisir n’est évidemment pas opposée à des actions propres à réduire le taux de chômage que connaît notre pays, les créations d’emploi ne doivent pas être l'alpha et l'omega de la période qui s’ouvre, au mépris de toute autre considération (environnementale bien sûr, mais aussi inflationniste ou de sécurité technique et juridique des produits et services vendus).

C’est pourquoi l’UFC Que Choisir propose à l’ensemble des consommateurs de contribuer à l’élaboration d’une « loi pour une consommation plus sobre et responsable ». Pour ce faire elle leur soumet un ensemble de 16 propositions réunies autour de sept orientations : 

  1. Santé : investir dans la prévention tous azimuts, consolider notre système sanitaire
  2. Vers une sobriété consumériste
  3. Reconstruire notre autonomie d’approvisionnement pour les biens essentiels
  4. Une consommation qui crée des liens, qui ait du sens et qui soit reconnectée à l’environnement local
  5. Une société du numérique sécurisée et accessible à tous
  6. Défendre les consommateurs affectés par les crises sanitaire et économique
  7. L’impérative inclusion de la société civile dans les choix de politique publique

 

Les consommateurs sont invités à se prononcer sur ces propositions et à définir leurs priorités. A l’issue de cette consultation de l’UFC Que Choisir les mesures plébiscitées par les consommateurs seront traduites dans une proposition de loi défendue auprès des parlementaires et du gouvernement.

 
1 - Santé : investir dans la prévention tous azimuts, consolider notre système sanitaire

Pour l’UFC – Que Choisir, il est indispensable que l’action publique en santé soit abordée avec une optique large, qui dépasse le système de soins pour s’intéresser aux actions de prévention et de santé environnementales. Les liens avec l’alimentation et la lutte contre l’obésité sont par exemple évidents, alors que le surpoids est apparu comme un facteur de risque majeur pour la covid-19. Investir davantage dans les politiques de prévention doit permettre d’améliorer l’état de santé de la population, mais aussi de réduire certaines dépenses de soins, dans la mesure où le préventif est souvent moins coûteux que le curatif. L’association appelle par ailleurs de ses vœux un réinvestissement dans notre système de santé, pour en assurer la consolidation et pour lutter contre la fracture sanitaire sous ses différentes formes.

Proposition n° 1 : Combattre le développement des maladies liées à l’alimentation grâce au Nutri-Score obligatoire et à l’encadrement du marketing

La surconsommation d’aliments de faible qualité nutritionnelle est à l’origine du développement chez les enfants du surpoids et de l’obésité, la prévalence de ces maladies ayant été multipliée quasiment par 6 depuis les années soixante. Ces affections constituent en outre des facteurs de risques importants à l’âge adulte.

Les réponses apportées par les gouvernements successifs en matière d’amélioration de la qualité nutritionnelle des recettes des industriels ou sur la question de la publicité alimentaire se sont révélées largement inefficaces, car elles reposaient essentiellement sur le volontariat des professionnels. L’inaction des pouvoirs publics est d’autant plus inacceptable que ces pathologies touchent encore plus les consommateurs les plus pauvres ou disposant d’un niveau d’éducation plus faible.

L’UFC - Que Choisir demande en conséquence que le Nutri-Score devienne obligatoire au niveau européen et l’interdiction des publicités à destination des enfants promouvant des aliments riches en matières grasses saturées, en sucres ou en sel, aux heures de grande écoute.

Proposition n° 2 : Investir dans la qualité et l'humanité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, grâce à un personnel qualifié et en nombre suffisant

La France compte 1,3 million de personnes âgées en perte d’autonomie, et près de 600 000 personnes vivent en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). La crise sanitaire l’a montré, si besoin en était : les lacunes dans la qualité de prise en charge des personnes âgées dépendantes sont flagrantes. Nombre de résidents ont traversé cette crise dans l’isolement, non seulement vis-à-vis de leurs proches, mais aussi dans certains cas vis-à-vis des équipes médicales de ville ou hospitalières. Même en temps calmes, souvent par manque de ressources humaines et matérielles, la qualité de l’accompagnement des personnes dépendantes est insuffisante.

L’UFC – Que Choisir demande que l’investissement dans la qualité et l’humanité de la prise en charge de la perte d’autonomie devienne une priorité publique. Il est indispensable que les personnels d’aide à la personne, à domicile comme en établissements, soient qualifiés, et suffisamment nombreux pour répondre aux besoins.

 
2 - Vers une sobriété consumériste

Si rien n’indique pour l’instant que la pandémie de covid-19 ait un lien quelconque avec la dégradation de l’environnement, sans doute l’arrêt soudain de l’économie et le confinement des populations a-t-il contribué à une prise conscience sur l’impasse et la vanité de notre « économie de la fuite en avant ». Il n’est plus possible d’ignorer les effets de notre consommation sur l’environnement, non seulement par la consommation de certains produits néfastes (lors de leur utilisation, à leur fabrication ou encore en fin de vie), mais plus largement du fait du niveau même de consommation des sociétés développées. L’UFC – Que Choisir réaffirme son engament en faveur d’une consommation responsable, notamment sous ses aspects environnementaux, qui gagnerait dans certains domaines à plus de sobriété.

Proposition n° 3 : Allonger la durée de garantie légale de conformité en fonction de la durée de vie des familles de produits pour lutter contre l’obsolescence organisée

Pour que la consommation responsable que promeut l'UFC - Que Choisir puisse devenir pleinement effective, il est indispensable que les produits vendus aux consommateurs deviennent plus durables qu'aujourd'hui. Pour que les processus industriels des professionnels intègrent cette exigence de durabilité et sortir de cette économie du tout-jetable, la période où les consommateurs peuvent solliciter la garantie légale de conformité doit augmenter. Cette garantie est aujourd'hui de 24 mois pour tous les produits.

L’UFC – Que Choisir demande que la durée de garantie soit étendue, et qu’elle soit établie, famille de produits par famille de produits, à partir de la durée de vie estimée de celles-ci (ainsi, la garantie de tous les lave-linges, par exemple, serait identique, mais ne serait pas nécessairement la même que la durée de garantie des fours à micro-ondes).

Proposition n° 4 : Imposer aux professionnels de la rénovation énergétique une obligation de résultat

Les travaux de rénovation énergétique appellent bien souvent les consommateurs à de forts investissements qui, pour être rentabilisés, doivent entraîner une baisse réelle et importante de la consommation d'énergie. C’est pourquoi les consommateurs doivent être préservés des effets néfastes des affirmations péremptoires de certains professionnels de la rénovation sur les gains énergétiques que les travaux pourraient permettre.

A cette fin, l’UFC – Que Choisir demande que les professionnels certifiés soient tenus de s'engager contractuellement sur l'éventuelle diminution de consommation du bâti permise par la rénovation entreprise, par le biais d'une expertise amont et aval. Si les allégations ne sont pas tenues, les professionnels devraient indemniser les consommateurs en conséquence.

 
3 - Reconstruire notre autonomie d’approvisionnement pour les biens essentiels

La France ne s’imaginait sans doute pas aussi dépendante des approvisionnements extérieurs en période de pandémie. La question de l’autonomie s’est posée en 2020 sur les enjeux sanitaires. Mais une crise d’une autre nature aurait pu faire apparaître une dépendance aux importations pour d’autres biens et services essentiels (alimentation, énergie). Si l’UFC – Que Choisir ne défend pas une ligne de fermeture totale aux importations, qui ne serait ni possible, ni souhaitable, et reste fidèle à son engagement européen, notamment à travers son appartenance active au Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), l’association appelle les pouvoirs publics à se saisir pleinement de l’enjeu de l’autonomie d’approvisionnement de l’Union européenne mais aussi de celle de la France.

Proposition n° 5 : Reconstruire une autonomie d’approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux

La France s’est découverte fort dépourvue, quand la crise fut venue, en masques, tests, respirateurs, médicaments (y compris anesthésiants), etc. Et comme cela se doit, lorsque le monde entier cherche à acquérir les mêmes biens au même moment, au point d’excéder les capacités productives et logistiques des industriels, les prix explosent, les pénuries naissent, et la logique nationale prévaut. A ce jeu-là, la France ne s’est pas montrée particulièrement à son avantage.

L’UFC – Que Choisir demande que les autorités publiques, françaises et européennes, définissent au plus vite une stratégie d’autonomie d’approvisionnement pour les médicaments et dispositifs médicaux essentiels, qui s’appuie d’une part sur une relocalisation en Europe de la production de certains médicaments ou principes actifs clefs, et d’autre part sur une meilleure anticipation et gestion des stocks.

Proposition n° 6 : Réduire la dépendance aux importations de l’agriculture française par une réorientation des aides de la politique agricole commune (PAC)

Les rendements élevés de l’agriculture intensive ne sont obtenus qu’au prix d’une utilisation massive d’engrais de synthèse, dont 95 % sont importés. Quant à l’élevage français, il est également très dépendant des importations de soja qui fournissent les protéines nécessaires à l’alimentation des animaux. Ce niveau élevé de dépendance aux importations constitue une double menace.

C’est d’abord un risque pour l’autonomie alimentaire du pays, puisqu’en cas de fortes hausses des cours mondiaux ou de restrictions au commerce international, notre capacité de production agricole serait menacée. C’est en outre une menace pour l’environnement, évidente pour les engrais de synthèse mais réelle également pour les importations de soja, généralement issues de plantes OGM utilisées en combinaisons avec un ou plusieurs herbicides.

Alors que le développement d’alternatives plus écologiques se heurte encore aux manques de financement et de connaissances agronomiques, l’UFC - Que Choisir demande des aides mieux ciblées de la Politique Agricole Commune et un développement de la recherche, afin de réduire la dépendance aux importations de soja OGM et d’engrais de synthèse, et de réorienter l’agriculture intensive vers des modes de production respectueux de la santé et de l’environnement.

 
4 - Une consommation qui crée des liens, qui ait du sens et qui soit reconnectée à l’environnement local

Les derniers mois ont bouleversé les habitudes de consommation. Les difficultés d’approvisionnement pour certains produits, le confinement, les mesures de distanciation entre personnes, les limites kilométriques aux déplacements autorisés, toutes ces contraintes ont amené beaucoup de consommateurs à acheter davantage de produits locaux, particulièrement alimentaires. Au-delà de la volonté de se reconnecter au local, qu’il s’agisse des producteurs ou des revendeurs, voire au terroir concernant l’alimentation, sans doute peut-on également y chercher une volonté de certains Français de retrouver une consommation qui crée des liens, qui soit moins anonyme que la grande distribution et que les produits des grandes marques. L’UFC – Que Choisir souhaite contribuer à pérenniser ces changements de comportements, nés à l’occasion de la crise.

Proposition n° 7 : Mieux informer les consommateurs sur l’existence des circuits courts et des dispositifs d’achat direct auprès des producteurs locaux

La crise du coronavirus a eu pour effet de modifier radicalement les habitudes d’achats alimentaires pendant le confinement. Si des baisses brutales de consommation ont pu fragiliser certaines filières, on a aussi observé un report net vers les circuits courts et locaux.

Ainsi des plateformes internet ont vu le jour, avec des acteurs du numérique libre, qui ont aidé à monter des « drives » fermiers ou des sites de vente en ligne, contribuant à la résilience des circuits courts. Des collectivités ont aussi joué un rôle important en proposant par exemple sur leur site une carte des circuits courts, des producteurs et des magasins de proximité.

L’UFC - Que Choisir, souhaitant encourager les circuits courts et les dispositifs d’achat direct auprès des producteurs locaux, demande aux pouvoirs publics, et notamment aux collectivités locales, d’en favoriser la promotion, par le recensement de ces initiatives et la mise à disposition d’une information pertinente et fiable pour les consommateurs.

Proposition n° 8 : S’assurer que le petit commerce indépendant ne subisse pas une concurrence déloyale des gros acteurs de la distribution et de l’internet

La progression du commerce en ligne, comme l’émergence rapide des « drives » de la grande distribution, répondent, c’est l’évidence, à des attentes des consommateurs, en termes de praticité, d’étendue de l’offre, de prix parfois. Pour autant, cette progression des gros acteurs de la distribution, notamment issus d’internet, s’appuie aussi sur des règles de droit parfois anciennes et peu adaptées à la régulation de ces nouveaux canaux. Par exemple, l’encadrement des prix pratiqués par les principaux sites de commerce en ligne (promos, rabais, opérations commerciales comme le « black Friday » ou les « French days ») est défaillant, et ne permet pas d’assurer les conditions d’une concurrence loyale avec les acteurs traditionnels de la distribution, notamment le petit commerce indépendant. De même, les règles d’urbanisme commercial peuvent s’avérer inadaptées.

L’UFC – Que Choisir, soucieuse de préserver la diversité des modes de distribution qui offre un large choix aux consommateurs, demande aux pouvoirs publics d’assurer les conditions d’une concurrence loyale entre les différents canaux de vente (petit commerce indépendant, grande distribution, géants du numérique), notamment par un encadrement strict des pratiques promotionnelles et une actualisation des règles d’urbanisme commercial.

 
5 - Une société du numérique sécurisée et accessible à tous

Travail, études, loisirs, achats, liens avec les proches : tous ces pans de nos vies se sont, à l’occasion du confinement, reportés vers les outils numériques, à défaut souvent d’une alternative. Ces usages ont jeté un éclairage cruel sur la fracture numérique que connaît notre pays, notamment pour l’internet fixe : chacun aura mesuré les lourdes conséquences de ces mauvaises connexions pour les 7 millions de consommateurs privés d’un haut débit de qualité. Au-delà des inégalités d’accès, il convient en outre, pour l’UFC – Que Choisir, de lutter pour la sécurité des usages numériques, tant en termes de données personnelles, de sécurité des produits achetés en ligne que de respect des droits des consommateurs.

Proposition n° 9 : Créer un droit opposable à un internet de qualité

La crise sanitaire n’a fait qu'accroître les désagréments auxquels sont confrontés les victimes de la fracture numérique. Alors que les projets actuels de déploiement des réseaux en très haut débit ne laissent pas entrevoir une résorption rapide et complète des inégalités d’accès à l’internet fixe, les pouvoirs publics doivent désormais prendre conscience de l'urgence de la situation.

Dans la lignée d'une demande qu'elle expose depuis plus de 10 ans concernant l'intégration d'une composante internet dans le service universel des communications électroniques, l'UFC - Que Choisir demande aux pouvoirs publics la création d'un droit opposable à un internet de qualité.

Proposition n° 10 : Rendre les plateformes responsables de toutes les ventes réalisées sur leurs places de marché

Des sites de vente en ligne (Amazon, Cdiscount, etc.) permettent à des vendeurs tiers d'exercer leur activité commerciale via leurs places de marché (marketplaces). Les pratiques de ces plateformes, en termes d'affichage notamment, ne permettent pas facilement aux consommateurs d'identifier qu'ils ont parfois affaire à des vendeurs tiers. Or, ceux-ci peuvent exercer leur activité depuis n'importe quel pays de la planète, avec les effets néfastes que cela est susceptible de générer (difficultés de transport, droits de douane à payer, dangerosité des produits, difficultés de recours judiciaires en cas de problème, etc.).

Afin de préserver les consommateurs de ces dérives, l'UFC - Que Choisir demande que les plateformes proposant des places de marché soient juridiquement responsables – le cas échéant en dernier ressort – des ventes qui y sont réalisées.

Proposition n° 11 : Renforcer l’arsenal de lutte contre la fraude bancaire sur internet et la cybercriminalité

La consultation des sites de commerce en ligne connaît un essor important depuis la pandémie de Covid-19. Ce mouvement devrait induire une nouvelle progression de la fraude bancaire qui a déjà atteint plus d’un milliard d’euro en 2018. En effet, pour les seules cartes bancaires, les paiements par internet sont dix-sept fois plus fraudés que ceux réalisés en magasin. Alors que ces escroqueries coûtent 860 euros par ménage victime, il n’est pas acceptable que les banques, protégées par l’absence de sanctions prévues par la loi, usent aussi fréquemment de manœuvres dilatoires pour se soustraire à leur obligation légale de rembourser immédiatement toute opération non autorisée.

Plus largement, c’est la cybercriminalité dans son ensemble qui se développe. Ainsi, les cas de piratage de données personnelles détenues par les entreprises sont de plus en plus nombreux. Or, là encore la législation est trop accommodante avec les professionnels, qui disposent de nombreuses exceptions à leur obligation d’information des clients victimes de piratage (par exemple en cas d’effort jugé disproportionné pour les prévenir, si les risques pour les droits et libertés des clients sont faibles, ou encore si la situation a été régularisée rapidement par l’entreprise).

En conséquence, l’UFC - Que Choisir demande que les pouvoirs publics renforcent l’arsenal de lutte contre les différentes formes de fraude bancaire sur internet ou de cybercriminalité. La loi doit prévoir des sanctions contre les banques qui rechignent à rembourser sans délai les consommateurs victimes. Par ailleurs, les entreprises victimes de piratage affectant les données de leurs clients doivent être obligées, dans tous les cas, d’informer individuellement ces derniers de la situation.

 
6 - Défendre les consommateurs affectés par les crises sanitaire et économique

Outre les conséquences de la crise sanitaire pour les malades et leurs familles, la crise économique va également frapper fortement un très grand nombre de consommateurs. Si, dans la parole politique et médiatique, ce sont surtout les entreprises qui sont mises en avant parmi les « victimes » de la récession, les consommateurs eux aussi sont, et vont être, largement affectés. Il conviendra donc de mener des politiques publiques en faveur du pouvoir d’achat, notamment des classes populaires. Mais les mois qui viennent appelleront également une défense résolue des droits des consommateurs, qui lors des crises économiques sont souvent remis en cause, au nom de la lutte contre le chômage. Cette attaque du droit de la consommation se fait trop souvent dans une approche étroite de l’intérêt des entreprises, en l’opposant de manière simpliste à celui des consommateurs. Or, garantir les droits des consommateurs, c’est garantir leur confiance dans le système économique, et donc le redémarrage de la consommation, moteur de la croissance française.

Proposition n° 12 : Alléger temporairement la charge de remboursement des crédits des consommateurs, notamment immobiliers

La charge de remboursement des crédits constitue un poids important dans le budget des ménages. Pour les seuls crédits immobiliers, avant les répercussions économiques de la crise sanitaire, elle représentait près d’un tiers des revenus des emprunteurs. Alors que 14 % des ménages estimaient cette charge était « trop » voire « beaucoup trop élevée » avant la crise, il est essentiel que les banques facilitent la modulation et/ou le report des échéances de remboursement sans surcoûts pour les emprunteurs.

A ce stade, les banques renvoient aux dispositions des contrats. Coûteux, ces dispositifs sont soumis à l’accord des prêteurs et ne sont pas systématiquement prévus, notamment en ce qui concerne les locations (longue durée ou avec option d’achat), qui sont des alternatives aux crédits à la consommation classiques.

En conséquence, l’UFC - Que Choisir demande aux pouvoirs publics de contraindre les établissements prêteurs à suspendre, jusqu’à nouvel ordre, les effets de tout défaut de paiement d’une échéance. Parallèlement, les prêteurs doivent permettre la modulation et le report des échéances des crédits sans surcoûts pour les emprunteurs. Enfin, pour les consommateurs faisant actuellement construire un logement, l’association demande qu’ils n'aient à payer aucun surplus de frais bancaires directement lié au retard de livraison induit par la crise, notamment les intérêts intercalaires.

Proposition n° 13 : Prévenir les expulsions des locataires, spécialement sociaux, en difficulté financière

La crise économique qui point atteindra de plein fouet les familles les plus précaires. Pour notre association, elle ne saurait leur causer comme double peine une expulsion de leur logement, compte tenu des effets désastreux que cela occasionnerait.

L’UFC – Que Choisir demande aux pouvoirs publics de mobiliser les instruments permettant à tous les locataires en difficulté financière de conserver leur toit, encore plus particulièrement dans le parc social. Dans ce dernier cas, l’association, présente dans les conseils d'administration de certains bailleurs sociaux, demande qu’un protocole de prévention des expulsions pour loyers impayés soit systématiquement conçu.

Proposition n° 14 : Mettre un terme à la double peine des frais d’incidents bancaires

Les répercussions économiques de la crise sanitaire mettent dès à présent sous tension le budget des ménages. Confrontés à la baisse de leurs revenus en raison du chômage, de l’activité partielle ou de la suppression des heures supplémentaires, les consommateurs font face à un risque accru d’être dans le rouge et de se voir facturer des frais d’incidents bancaires.

Tarifés avec des marges exorbitantes (86 % en moyenne), l’ampleur de ces « frais sanctions » n’est économiquement pas justifiée et aggrave encore davantage la fragilité des victimes de la crise.

En conséquence, l’UFC - Que Choisir demande aux pouvoirs publics, plutôt que d’envisager uniquement des mesures curatives à l’attention des plus modestes, de plafonner par la loi le montant des frais d’incidents bancaires de l’ensemble des consommateurs.

 
7 - L’impérative inclusion de la société civile dans les choix de politique publique

La gestion de la crise sanitaire a mis en évidence la forte centralisation des décisions publiques, alors que notre pays aurait certainement gagné à plus de concertation. Ces constats rejoignent des tendances lourdes au cours des années passées, dans tous les secteurs de la consommation, où des instances de concertation ont été affaiblies, sinon supprimées, et où beaucoup de choix, notamment environnementaux, n’ont pas tenu compte des consultations publiques… quand elles existaient. La tendance est la même au niveau local, par exemple pour les concertations en lien avec le commerce, mais aussi au niveau international, dans le cadre des accords de libre-échange négociés par l’Union européenne. Dès lors, pour l’UFC – Que Choisir, il est indispensable d’inclure davantage la société civile dans les décisions publiques, avec une réelle prise en compte de sa parole.

Proposition n° 15 : Refonder la démocratie sanitaire, pour que les usagers soient pleinement associés aux politiques de santé qui les concernent

La démocratie sanitaire, c’est-à-dire l’association de la société civile dans la définition et la conduite des politiques de santé, a montré ses graves limites au plus fort de la crise sanitaire. Elle a été tout simplement mise en pause, tant au niveau local (établissements de santé, agences régionales de santé) qu’au niveau national. Dès lors, il convient de tirer sans détour les conclusions de la crise : la démocratie sanitaire, si elle s’efface dès que l’enjeu devient important, n’est en réalité pas aboutie.

L’UFC – Que Choisir, convaincue que le système de santé ne pourra qu’être plus fort de l‘inclusion des principaux intéressés à sa conduite, demande que la place des usagers dans la prise de décisions publiques en santé soit confortée, y compris en période de crise. Les représentants d’usagers doivent notamment être associés aux choix éthiques, et leur présence renforcée dans les maisons de retraite. L’association demande que l’équivalent d’un « délit d’entrave » soit instauré dans le cadre de la démocratie sanitaire, pour que le défaut d’association des usagers soit sanctionnable.

Proposition n° 16 : Associer les ONG aux négociations des traités de libre-échange, pour s’assurer qu’ils ne dégradent pas la protection de l’environnement et la santé des consommateurs

Les traités de libre-échange (par exemple le CETA avec le Canada, ou le TAFTA longuement négocié avec les Etats-Unis) sont négociés par l’Union Européenne, au nom de ses membres, et des pays tiers, dans l’objectif d’augmenter les échanges internationaux. Mais ces accords contiennent souvent des mesures néfastes pour l’environnement ou la santé. Par exemple, le projet d’accord avec le Canada faciliterait l’entrée sur le marché européen de produits élaborés selon des normes inférieures aux exigences européennes, tel que la viande bovine nourrie aux farines animales et traitée aux antibiotiques, ou des denrées alimentaires produites avec des pesticides interdits en Europe. Lourds de conséquences, ces traités sont pourtant négociés au mépris de toute association sérieuse de la société civile, sans même un minimum de transparence quant aux discussions.

L’UFC – Que Choisir exige donc que la société civile, et notamment les associations, soient associée à l’élaboration des accords de libre-échange, dont les négociations doivent être publiques et transparentes. Notre association s’oppose à toute ratification par la France des traités dont le contenu, faute de prise en compte des revendications des citoyens, nuit à la santé des consommateurs ou à l’environnement.