Le reste à charge 0 (RAC0) (ou 100% santé) est effectif depuis le début 2020 pour les soins dentaires et optiques (début 2021 pour les prothèses auditives). Mise en oeuvre d’une promesse de l’actuel Président de la République lors de sa campagne en 2017 il a comme principal objectif d’améliorer   l’accès aux soins (dentaire, optique, audition) pour l’ensemble des assurés notamment   pour les plus défavorisés d’entre eux en réduisant sensiblement (voire supprimant) le reste à charge.

Comment se traduit la mise en place du 100% santé, quels sont les nouveaux droits des assurés, quels changements pour les complémentaires santé (contenu des contrats et tarifs) c’est le dossier de ce mois !

 
1 – Du renoncement aux soins au 100% santé
On le sait : l’accès à de larges prises en charge des dépenses de santé est loin d’être le même pour tous. Au-delà des déterminants sociaux (âge, profession…) et territoriaux, le « budget » que chacun est en mesure de consacrer à la souscription d’une assurance complémentaire santé est sans aucun doute le facteur discriminant le plus important. Cette réalité touche de plein fouet les personnes qui ne peuvent pas ou qui ne peuvent plus bénéficier d’un contrat collectif d’entreprise obligatoire (et qui ne peuvent pas non plus être couvertes par le contrat collectif d’entreprise de leur conjoint) : les retraités, les chômeurs de longue durée, les micro-entrepreneurs ou encore les jeunes de plus de 25 ans sans emploi.

 

On le sait également : certains soins ou équipements courants étaient peu ou pas pris en charge par l’Assurance maladie alors qu’ils sont relativement onéreux. Par exemple, les équipements optiques (monture + verres + traitements des verres), les prothèses dentaires et les aides auditives, pour lesquels le reste à charge est important. Pour amoindrir la facture, il n’y avait pas d’autre solution que de disposer d’une solide garantie complémentaire. Mais, et c’est un peu le serpent qui se mord la queue, plus cette garantie est couvrante, c’est-à-dire plus ses remboursements sont élevés et viennent atténuer ou effacer les restes à charge, plus celle-ci est chère ! Conséquence : cela induit, en parallèle, un certain « renoncement aux soins ». Selon l’enquête santé et protection sociale de l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) publiée en 2017 (rapport n° 566), 25 % des personnes interrogées en 2014 déclarent avoir renoncé à au moins un soin pour des raisons financières. Plus dans le détail, en France métropolitaine, le renoncement à des soins dentaires pour raisons financières a concerné 17 % des bénéficiaires de l’Assurance maladie âgés d’au moins 18 ans. Pour les équipements d’optique, cette proportion est de 10 %.

 

La réforme du « reste à charge zéro (RAC0)», rebaptisée « 100 % santé », entend combattre ce phénomène connu depuis de nombreuses années qui touche, pour l’essentiel, les personnes âgées aux faibles revenus. Voulue par Emmanuel Macron, alors candidat à la présidentielle, concentrée sur l’optique, le dentaire et les audioprothèses, elle est la résultante de nombreuses et longues négociations entre l’Assurance maladie, les professionnels de santé et les assureurs santé, sans oublier certains fabricants et distributeurs de ces dispositifs. Car il n’a pas été facile d’encadrer des tarifs totalement libres jusqu’à présent, donc de réduire les marges des professionnels de ces trois secteurs de la santé (en contrepartie, la prise en charge de certains actes, notamment dentaires, a été revalorisée par la Sécurité Sociale). Il n’a pas non plus été facile d’instaurer une gratuité totale de certains soins ou équipements qui constituent désormais la base des différents « paniers » du 100 % santé, car mécaniquement, ce « zéro reste à charge » – qui ne vaut que pour les personnes couvertes par une assurance complémentaire santé responsable ou par la Complémentaire santé solidaire (CSS) – augmente le montant des remboursements que vont devoir effectuer les assureurs santé, ce qui va inévitablement se traduire à terme par des hausses de cotisations.

 
2 – Soins dentaires
Après l’amorce du plafonnement des tarifs des prothèses l’an dernier, la réforme assure, en plus d’une offre intermédiaire à prix maîtrisé, la prise en charge à 100 % des couronnes et bridges. Depuis le début 2020 chaque assuré se verra proposer trois options qui se traduiront par trois devis proposés par le dentiste :

  • Celui du RAC 0 avec la possibilité de se faire poser :
    • pour une dent visible une couronne en céramique ou métal recouverte de céramique dans la limite d’un plafond de 500 € ;
    • pour une dent non visible une couronne métallique avec un prix plafond de 290 €.
    Des plafonds sont également définis pour les bridges céramo-métalliques ou métalliques. Il faudra attendre 2021 pour que les prothèses amovibles (dentiers) soient également concernées. Les implants ne sont pas concernés par le RAC 0.
  • Celui « RAC maitrisé » avec des tarifs encadrés pour une dépense modérée.
  • Celui « à tarifs libres » avec un large choix de techniques et de matériaux sans plafonnement de tarifs.

 

Par ailleurs, dans le cadre de l’accord passé avec les dentistes, les bases de remboursement de certains soins et leur prise en charge ont été réévalués par l’Assurance maladie.

 

Attention : si le dentiste est obligé de signaler sur le devis l’existence d’une option sans reste à charge ou avec reste à charge modéré, il n’est pas obligé de réaliser les soins lui-même. Ce qui risque de poser un sérieux problème aux patients désireux d’en bénéficier si leur propre dentiste n’est pas en capacité de fournir la prestation. Il semble bien illusoire d’imaginer le professionnel adresser son patient à un collègue pratiquant le 100 % santé. Tout comme il sera difficile pour le patient de démarcher d’autres professionnels pour accéder à un reste à charge zéro !

 
3 – Optique
Toutes les enseignes d’optique sont désormais tenues de proposer des lunettes « 100 % santé ». Côté montures, le choix doit comprendre 17 modèles pour les adultes et 10 pour les enfants, déclinés en deux couleurs. Le prix affiché sera de 30 € maximum. Pour les verres, le tarif variera en fonction de la complexité de la correction, mais là encore, quel que soit le ou les défauts de vision à corriger, une offre sans reste à charge est prévue, incluant amincissement, durcissement antirayure et traitement antireflet.

Pour celles et ceux qui ne trouveront pas leur bonheur au rayon « 100 % santé », le système actuel est toujours valable. La prise en charge se fait alors dans les conditions du contrat complémentaire souscrit, avec un maximum de 100 € pour la monture (contre 150 € jusque-là) ainsi que des plafonds pour les verres, variables selon la correction. Un panachage est également envisageable, avec des montures classiques et des verres 100 % santé, ou l’inverse.

 

Votre opticien devra donc vous proposer deux devis :

  • Celui au RAC0 avec un remboursement intégral des lunettes (montures au choix parmi celles du RAC0 au coût maximum de 30 € et prix plafonnés pour les verres suivant leur complexité)
  • Celui au tarif libre. Dans le cadre d’une « complémentaire santé responsable » (cf.ci dessous) une prise en charge des montures limité à 100 € sera possible tous les deux ans et le coût des verres compris entre 50 et 800 € suivant leur complexité. Il sera aussi possible de mixer des montures du RAC0 avec des verres au tarif libre et réciproquement.
 
4– Aides auditives
Avec un coût total de près de 3100 € pour appareiller deux oreilles, et un reste-à-charge pour le malentendant d’environ 1400 € après intervention de la Sécurité sociale et de la mutuelle, le prix exorbitant des audioprothèses est au cœur du renoncement aux soins en matière d’audition. En 2015, l’UFC-Que Choisir alertait sur l’ampleur du sous-équipement : 2,1 millions de personnes ne s’équipent pas en raison d’un coût trop élevé, soit un taux de renoncement aux soins de 58 %.

C’est à ce coût prohibitif que veut répondre la réforme du 100 % santé. Depuis le 1er janvier dernier les malentendants ont la possibilité de s’équiper de prothèses auditives mieux remboursées et à prix plafonné. Leur prix plafonné va diminuer avec le temps (1100 € par oreille en 2020, 950 en 2021 pour les plus de 20 ans). Parallèlement la prise en charge par la Sécurité Sociale et les complémentaires santé va augmenter pour atteindre un RAC 0 en 2021 avec un plafonnement de 1700 € par oreille. 

 

Par ailleurs des prothèses pourront être proposées hors RAC0 au tarif libre ce qui peut amener à s’interroger sur la  qualité et l’efficacité des deux types de prothèses.  Pour répondre à cette question nous avons réalisé un test sur 13 prothèses disponibles (7 accessibles dans le RAC0, 6 au tarif libre). Résultat plutôt agréable et  satisfaisant : les prothèses du RAC0 sont de qualité équivalente à celles au tarif libre.

 
5 – Evolutions des complémentaires santé
La mise en place du 100% santé entraine plusieurs conséquences pour l’ensemble des assureurs (mutuelles ou autres) qui proposent des complémentaires. Ils ont été contraints d’adapter leurs offres à l’évolution de la prise en charge qui leur revient mais également devoir rendre celles-ci plus lisibles et compréhensibles par les assurés. Autre conséquence : une augmentation du coût des complémentaires que l’on a pu déjà constater début 2020.

 

5.1 – Des contrats responsables encadrés

L’impact du 100% va être surtout sensible pour les contrats d’entrée de gamme qui ne couvraient pas les nouvelles prises en charge devenues obligatoires  et un peu moins pour les contrats haut de gamme qui les incluaient plus ou moins déjà. Les contrats d’entrée de gamme et les assurés qui les avaient souscrits sont les grands gagnants du RAC0 même si une partie du gain (prise en charge totale) sera rognée par une augmentation à prévoir des cotisations.

Pour bénéficier du 100% santé le contrat que vous allez souscrire doit être un « contrat responsable » individuel ou collectif remplissant un certain nombre de conditions : obligations ou interdictions fixées par la réglementation :

  • Pas de sélection médicale à la souscription suivant l’état de santé.
  • Remboursement obligatoire de l’intégralité du ticket modérateur pour l’ensemble des dépenses prises en charge par la Sécurite sociale sauf quelques exceptions (cures thermales,  médicaments au service médical faible ou modéré...). Conséquence : le ticket modérateur va disparaitre pour ces contrats et devenir rare ne concernant que les contrats non responsables.
  • Limites de remboursement fixées par la réglementation pour les soins dentaires, optique audios que ce soit pour un contrat d’entrée de gamme (RAC0) ou autre.
  • Interdictions de certains remboursements (participation forfaitaire de 1€ par acte médical limitée à 50 € par an, franchise de 0,50 € sur les médicaments et d’autres actes dans la limite de 50 € par an…).
  • Taxe spéciale de 7% au lieu de 14% et certains avantages fiscaux (déductibilité des cotisations dans le cadre de la loi Madelin, avantages divers dans le cadre de contrats proposés par les entreprises).

 

5.2 - Une nouvelle lisibilité pour les garanties

Les contrats des complémentaires santé sont réputés pour le caractère énigmatique de leur prise en charge, que nous avons souvent dénoncé depuis 10 ans. Une étude que nous avions conduite en 2018 auprès de 29 organismes assureurs le confirmait et nous invitions les pouvoirs publics à réagir. Les organismes assureurs se sont régulièrement engagés depuis 10 ans à améliorer la lisibilité de leurs contrats mais en l’absence de mesures contraignantes les promesses sont restées lettre morte !

La mise en place du 100% santé devrait améliorer la lisibilité des contrats car les assureurs vont devoir maintenant appliquer certaines règles dont :

  • L’harmonisation du libellé des principaux postes de garantie qui était déjà assez appliquée ;
  • La manière dont la prise en charge d’une prestation est affichée. Fini les libellés incompréhensibles du style 100%, 150%, 200% et même 300% de la BR (base de remboursement de la Sécurité Sociale) qui ne vous disent rien quant au montant en euros de la prise en charge sauf à connaître toutes les BR et leurs subtilités (exemple la BR pour les lunettes est actuellement de 2,84 € ; 300% ne feront que 8,52 €, ce qui reste dérisoire). Dorénavant fini les X% de BR ! L’assureur devra afficher pour plus d’une dizaine de postes de soins le montant en euros de la prise en charge, ce qui permettra à l’assuré de connaître son reste à charge… qui devrait être nul (sauf les 1 € de franchise) pour les soins entrant dans un contrat RAC0.

Ces nouvelles mesures concernant la lisibilité des contrats doivent s’appliquer en 2020 pour tous les contrats responsables individuels ou collectifs et début 2022 au plus tard pour tous les autres contrats. Pour les assurés elle devrait leur faciliter la comparaison entre contrats et avec la possibilité de résiliation à tout moment (après un an de contrat) les inciter à changer de contrat en recherchant celui le mieux adapté à leur situation.

 

5.3 – Fusion  de la CMU-C et de l’ACS dans la nouvelle CSS

Les personnes disposant de faibles revenus pouvaient jusqu’au 1er novembre 2019 bénéficier de deux dispositifs :

  • La CMU-C (Couverture Maladie Universelle Complémentaire) pour les personnes seules avec moins de 746 € par mois de ressources (ou 1119 € pour un couple). Elle leur permettait de faire face à divers reste à charge : ticket modérateur, forfait journalier hospitalier, etc.
  • L’ACS (Aide à la Complémentaire Santé) qui permettait à ceux ayant des ressources un peu supérieures (jusqu’à 1007 € par mois pour une personne seule, 1510 € pour un couple) de bénéficier d’une aide pour accéder à certains contrats sélectionné par L’Etat.

 

Depuis le 1er novembre 2019 CMU-C et ACS ont fusionné pour donner naissance à la CSS (Complémentaire Santé Solidaire) qui sera gratuite pour les anciens bénéficiaires de la CMU-C et soumise à participation financière pour ceux qui étaient éligibles à l’ACS (de 8 €/mois à 30€ /mois suivant l’âge) pour accéder à certaines complémentaires santé intégrant le 100% santé.

 
6 -  Tarifs, résiliation et choix d’une complémentaire santé
La mise en place du 100% santé va se traduire pour les assureurs (mutuelles ou autres) par des dépenses accrues, surtout pour les contrats d’entrée de gamme. Il est donc à craindre que cette dépense supplémentaire s’accompagne pour la compenser d’une augmentation des cotisations des contrats qui ne soit pas forcément justifiée. C’est ce que montre l’étude que nous venons de mener début 2020 en analysant près de 500 nouveaux contrats. L’inflation moyenne est de l’ordre de 5% avec de grandes disparités selon les assureurs : les mutuelles étant moins inflationnistes.

 

Dans ces conditions nous demandons au Ministère de la Santè de publier au plus tôt, sans attendre la date limite du 1er décembre 2020, le décret qui rendra la résiliation d’un contrat de complémentaire santé possible à tout moment sans attendre (au risque de rater la date d’échéance) et ce après une année de souscription comme pour les assurances autos ou habitation. L’UFC que Choisir se bat depuis de nombreuses années pour ce droit, qui a fini par être adopté par le Parlement courant 2019 malgré l’obstruction des mutuelles et autres assureurs qui craignent une mobilité excessive des assurés surtout les plus jeunes.

 

Il sera donc plus facile de faire jouer la concurrence et de choisir la complémentaire la mieux adaptée à votre situation… si vous n’êtes pas automatiquement obligé d’adhérer en tant que salarié à la complémentaire qu’a souscrit votre employeur ou si vous ne bénéficiez pas de la CSS. La mise en place du 100% santé et des nouveaux contrats, l’augmentation des cotisations en 2020 qui devrait se poursuivre, et la perspective de la résiliation à tout moment  peut vous inciter à envisager de changer de complémentaire santé. Pour vous aider dans ce choix nous mettons à votre disposition un comparateur santé (accès payant) qui vous permettra en fonction de votre profil (jeune, famille, retraité) et de vos dépenses santé (notamment optiques et dentaires) d’accéder aux offres disponibles.

 

Nous vous invitons aussi à consulter dans notre dossier mutuelle les guides d’achat qui vous conseillerons et vous guiderons dans votre choix en fonction de votre situation (retraités, jeunes et étudiants, fonctionnaires, demandeurs d’emploi, etc.)