La sécurité alimentaire : c’est quoi ?

Le Comité de la Sécurité alimentaire mondiale en donne la définition suivante : « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». Cette définition a été adoptée par un consensus international depuis le Sommet Mondial de l'Alimentation réuni à Rome en 1996.

Suivant cette définition la sécurité alimentaire recouvre plusieurs aspects qui y contribuent :

  • La capacité d’accès à une alimentation soit en la produisant soi-même, soit en disposant d’un pouvoir d’achat suffisant pour l’acheter ;
  • La disponibilité c’est-à-dire des quantités suffisantes d’aliments produits ou importés et distribués auprès des populations ;
  • La qualité des aliments du point de vue sanitaire mais aussi  nutritionnel ;
  • La régularité et la stabilité des trois aspects ci-dessus, à la fois, des disponibilités, des moyens d’accès à l’alimentation et de sa qualité ce qui  intègre donc la question de la nécessaire stabilité des prix et des revenus des populations vulnérables.

Nous ne nous intéresserons ici qu’à l’aspect qualité et sanitaire en abordant les différents risques liés aux aliments et  leur origine.

Tout au long de la chaine alimentaire de la production à la consommation, deux types de risques peuvent affecter la sécurité des  aliments

 
Risques microbiologiques

Ils peuvent être à l’origine d’infections d’origine alimentaire dues à la contamination des aliments par des germes : virus, bactéries ou autres parasites qui agissent directement ou par le biais de toxines.

  • Les virus sont la cause la plus fréquente d’infections alimentaires à l’origine d’épidémies de gastro-entérites qui peuvent entrainer des déshydratations dangereuses pour les nourrissons ou les personnes âgées et fragiles si une réhydratation suffisante n’est pas mise en œuvre.
  • Plusieurs types de bactéries peuvent être à l’origine d’infections : salmonelles, listérias, staphylocoques, campylobacters, colibacilles (Escherichia colli)... Les salmonelloses sont les infections les plus fréquentes en Europe, plus ou moins graves suivant la souche (exemple récent : l’affaire Lactalis). Là aussi c’est pour les nourrissons et les personnes fragiles que les conséquences peuvent être les plus graves. Les œufs et leurs dérivés sont la principale cause des salmonelloses d’où des protections particulières que ce soit au niveau de la production (éviter les  œufs produits en batterie), de la distribution et de la consommation (DLC).
  • Les parasites peuvent être des vers (ténia et autres...) ou des organismes unicellulaires comme le toxoplasme redoutable pour le fœtus chez la femme enceinte.
  • Les prions sont des agents pathogènes particuliers. Le seul transmissible à l’homme est celui de l’encéphalite spongiforme bovine (maladie de la vache folle) responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme, gravissime mais  très rare.
  • Les mycotoxines sont des toxines produites par des moisissures qui peuvent se développer sur des végétaux avant ou après la récolte, au cours du stockage ou pendant le transport. Certaines peuvent être dangereuses pour la santé, et, si les intoxications aiguës sont rares, l’exposition continue à faible dose pourrait avoir des effets délétères.
  • Les toxines marines sont synthétisées par des algues microscopiques et le plancton. Elles peuvent s’accumuler dans les poissons ou les coquillages. Leur prolifération est favorisée par des pollutions des eaux (nitrates et autres déchets) et les conditions climatiques (vent, ensoleillement, température des eaux, etc.). Elles peuvent être à l’origine de gastro-entérites mais aussi de troubles plus graves (paralysie, amnésie). Les zones de production sont surveillées régulièrement par le réseau Rephy de l’Ifremer. Le dépassement de certaines normes peut mener à la fermeture de bassins et des interdictions de mise sur le marché (exemple : la présence de toxines PSP (paralysantes) dans l’étang de Thau fin 2017).
  • L’histamine est une molécule synthétisée chez l’homme et l’animal. Elle est utile mais en excès peut entrainer des troubles similaires à ceux de l’allergie. Beaucoup d’aliments sont plus ou moins riches en histamine mais c’est le poisson qui est le plus souvent en cause car certaines espèces peuvent libérer de fortes quantités d’histamine suivant les conditions de conservation  après la pêche. La réglementation fixe des limites de concentration à ne pas dépasser pour les produits de la pêche.
 
Risques chimiques et biologiques

Ils ont plusieurs origines et dans la plupart des cas ils sont d’origines humaines à travers des processus industriels, de gestion des déchets ou de pratiques agricoles.

  • Risques d’origine environnementale :
    • Les dioxines sont issues de processus métallurgiques et surtout de l’incinération des déchets. Si ces substances sont plutôt en diminution elles sont particulièrement stables et s’accumulent tout au long de la chaine alimentaire (poisson, viande, œufs, lait) jusqu’à l’homme. Cancérigènes à forte dose elles sont toxiques pour de nombreuses fonctions organiques notamment pour les nouveau-nés. Des limites maximales de concentration dans les aliments sont définies en Europe mais les conséquences de l’exposition chronique à faible dose sont mal connues.
    • Les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) trouvent leur origine dans tous les phénomènes de combustion. Eux aussi s’accumulent tout au long de la chaine alimentaire et sont pour la plupart potentiellement cancérigènes. Des teneurs maximales en HAP sont fixées pour certains aliments.
    • Les PCB (polychlorobiphenyles) (ou pyralènes) utilisés dans l’industrie (isolants électriques, encres, etc.) ont été interdits depuis 1987. Mais leur caractère persistant (comme les dioxines) fait qu’on les retrouve encore dans les sols et sédiments, notamment dans les cours d’eau et les mers où ils contaminent les poissons et coquillages. Leurs effets sont comparables à ceux des dioxines.
    • Les métaux lourds. Si le mercure, le cadmium et le plomb sont des composants naturels de la croûte terrestre leur présence dans l’eau et le sol est surtout due à l’activité humaine (déchets, canalisations et peintures, etc.). Ils font l’objet de surveillance dans les eaux et les aliments, notamment le mercure particulièrement toxique que l’on peut retrouver  en teneur élevées dans la chair de certains poissons avec des conséquences neurologiques sévères  (exemple de Minimata au Japon).
    • Les polluants radioactifs sont issus des activités nucléaires. Leur concentration dans les rejets gazeux et liquides est très surveillée et les pollutions les plus catastrophiques sont dues à des accidents nucléaires majeurs (Tchernobyl et Fukushima).

 

  • Risques d’origine agricole

    • Les pesticides. Ils s’attaquent aux herbes (herbicides), aux champignons (fongicides), aux insectes (insecticides). On les retrouve comme polluants des eaux de surface et souterraines et comme polluants des aliments (exemple : une de nos récentes enquêtes où nous avons recherché près de 500 molécules entrant dans la composition de pesticides dans 150 échantillons de fruits). Leurs effets toxiques sont étudiés, notamment chez les agriculteurs premiers exposés. Certains sont soupçonnés d’effets cancérigènes (exemple du glyphosate) ou de favoriser des troubles neurologiques (maladie de Parkinson). Pour chaque type de pesticide des études de toxicité sont conduites avant leur mise sur le marché et des conditions d’usage définies. Des limites maximales de résidus (LMR) sont fixées au niveau européen et international. Pour les instances autorisant leur utilisation ils ne présenteraient pas de risques quantifiables si les LMR sont respectées (ce qui n’est pas toujours le cas). Des doutes sérieux subsistent même pour de faibles expositions et surtout l’effet cocktail (l’exposition à de faibles doses de plusieurs produits) est mal connu. Au niveau national plusieurs plans Ecophyto pour la réduction de l’usage des pesticides ont été lancés. Le premier en 2009 visait à une réduction de 50% en 2018 par rapport à 2008. C’est un échec : aucune réduction n’a eu lieu et on note même une augmentation comme le montre le graphe ci-dessous. Un deuxième plan Ecphyto2 vient d’être lancé . Sera-t-il plus efficace ? Pour en savoir plus sur les pesticides consultez notre « dossier pesticides » sur notre site national.

    • Les nitrates. Naturellement présents dans les sols ils sont utilisés comme engrais et comme le montre le graphe ci-dessus leur usage dans l’agriculture ne baisse pas malgré leurs conséquences (avec l’épandage des lisiers et autres déchets de l’élevage) sur les cours d’eau et les nappes phréatiques. En soi les nitrates ne sont pas toxiques mais du fait de leur présence dans les aliments ils peuvent se transformer en nitrites et nitrosamines qui sont des facteurs de risque des cancers digestifs. Nitrites et nitrates (E249 a E252) sont aussi utilisés comme conservateurs (cf. ci-dessous).
    • Les résidus des médicaments. Ils proviennent des traitements vétérinaires des animaux. Les plus problématiques sont les antibiotiques qui peuvent contribuer à développer la résistance des bactéries aux traitements compliquant chez l’homme le traitement de maladies. L’usage des médicaments dans l’élevage est strictement réglementé et des délais d’attente sont à respecter entre les traitements et l’abattage. L’élevage intensif va de pair avec des traitements plus nombreux. Les Label Rouge et bios encadrent plus strictement leur usage.
    • Les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés). Il s’agit de produits agricoles issus de semences ayant fait l’objet de manipulations génétiques pour les rendre résistantes à certains parasites (exemple : maïs Monsanto 810 qui est le seul végétal OGM autorisé à la culture en Europe). Sont surtout concernées les cultures de maïs, soja, coton et colza. Si ces cultures sont marginales en Europe, des produits OGM importés se retrouvent dans l’alimentation animale d’où l’instauration de règles pour l’information des consommateurs. Doit être étiqueté « avec OGM » tout produit  contenant dans l’un de ses ingrédients au moins 0,9% d’OGM et peut être étiqueté « sans OGM » les ingrédients d’origine végétale contenant moins de 0,1% d’OGM et « nourris sans OGM (<0,1%) ou nourris sans OGM (<0,9%) les produits d’origine animale. Pour en savoir plus consultez notre « dossier OGM ».

      Normalement la mise sur le marché de produits OGM fait l’objet d’études concernant les risques pour la santé. Mais les conclusions de ces études, leurs méthodologies (durée d’exposition) et le fait qu’elles soient souvent le fait des industriels concernés sont contestées par certains scientifiques.  

 
Risques liés à la transformation des aliments
Du champ à votre assiette les aliments vont subir la plupart du temps divers processus de transformation : récolte, emballage, produits transformés, distribution… jusqu’à la préparation du plat que vous allez consommer. Chaque étape du processus peut être porteuse de risques chimiques ou biologiques.
  • L’emballage et le transport. De nombreux matériaux sont au contact des aliments tout au long de leur cycle de production et distribution. Dans certains cas ils sont mis sous atmosphère contrôlée. Les matériaux d’emballage ne sont pas toujours inertes vis-à-vis des aliments. Les conditions de transport et de distribution (température, durée) peuvent favoriser une migration entre l’emballage et les aliments et influencer leur qualité et leurs propriétés organoleptiques. Le respect de la chaîne du froid pour certains produits (viandes, poissons, lait…) est particulièrement critique pour éviter le développement de germes et les risques d’intoxication.

    Parmi les risques liés aux produits d’emballage le cas des phtalates, largement employés comme plastifiants, retient particulièrement l’attention car ils sont considérés comme des perturbateurs endocriniens. Le BPA (bisphenol A) dont la reprotoxicité est reconnue a fini par être interdit. Pour en savoir plus sur la présence des perturbateurs endocriniens dans notre environnement domestique.

  • La conservation par ionisation reste une activité marginale utilisée pour stériliser les denrées mais aussi pour ralentir les processus de maturation. Elle consiste à les exposer à des faisceaux de rayons X ou d’électrons. Ces processus sont pour l’instant considérés sans risque pour la santé même s'ils modifient en partie la composition des aliments. En France leur usage n’est autorisé que pour une liste d’aliments bien définie qui doivent alors faire l’objet d’un étiquetage spécifique « traité par ionisation ».
  • La cuisson des aliments peut être à l’origine de certains risques. Les HAP (hydrocarbures  aromatiques polycycliques) sont des composés potentiellement cancérigènes qui  apparaissent quand des graisses animales sont cuites au contact d’une flamme ou de fumée. De même pour les amines hétérocycliques lorsque la viande ou le poisson est cuite à très haute température ainsi que pour l’acrylamide lors de la cuisson d’aliments riche en amidon. Les huiles végétales peuvent aussi être toxiques en fonction de la température de cuisson et certaines ne s’utilisent que à froid (colza, huile de lin, soja, etc.). D’autres sont plus ou moins tolérantes aux hautes températures, mais deviennent toutes toxiques quand elles fument parce que trop chauffées. Pour en savoir plus.

    Pour les procédés industriels des règles sont à respecter (cf. partie 2). Pour les cuissons domestiques il est conseillé de prendre certaines précautions pour éviter de carboniser les aliments et de ne pas consommer les parties carbonisées.

  • Les additifs alimentaires (colorants, conservateurs, antioxydants, agents de texture édulcorants et autres) sont utilisés à trop haute dose dans certains produits et notamment les produits transformés.  Plus de 300 sont autorisés par la réglementation européenne. Sont-ils toujours utiles et surtout exempts de tous risques (allergènes, toxiques...) notamment quand plus d’une dizaine se retrouvent dans certains produits ? Par ailleurs s’ils sont évalués individuellement l’effet cumulatif de plusieurs d’entre eux (effet cocktail) n’est pas suffisamment pris en compte ou même évalué. Dans une étude récente basée sur l’état de la recherche scientifique nous avons examiné 329 d’entre eux et les avons classé en quatre catégories (acceptable, tolérable, peu recommandable, à éviter). 87 d’entre eux nous paraissent à bannir et nous demandons aux autorités européennes de les interdire et de mettre en œuvre pour les autres des évaluations indépendantes.

 

Le contenu de cet article est extrait pour une très grande part du livre « Guide de la santé dans votre assiette » édité par la SAS Que Choisir qui est une véritable bible pour une alimentation saine !