Dans la première partie de ce dossier sur la sécurité alimentaire, nous avions abordé la question de la sécurité alimentaire en recensant les différents risques qui peuvent affecter nos aliments (biologiques, chimiques, transformation des aliments, additifs...). Les risques étant identifiés, qui est responsable de la prévention de ces risques pour une alimentation saine ? Des pouvoirs publics aux consommateurs en passant par tous les professionnels concernés (agriculteurs, industriels, distributeurs…) tous doivent élaborer et/ou respecter un certain nombre de règles et de bonnes pratiques qui vont faire l’objet de cette deuxième partie de notre dossier « sécurité alimentaire ».
 
1 – Du côté des pouvoirs publics : Europe et Etat
1.1 Au niveau européen

Au niveau mondial la FAO est l’agence spécialisée de l’ONU qui traite de toutes les questions relevant de l’alimentation (ressources, faim dans le monde, etc.). Elle se préoccupe donc des questions relevant de la sécurité alimentaire. Au niveau réglementaire le « Codex Alimentarius » est un ensemble de normes, de lignes directrices et de codes d'usages adoptés par la Commission du Codex Alimentarius. La Commission a été créée par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) afin de protéger la santé des consommateurs et de promouvoir des pratiques loyales en matière de commerce de denrées alimentaires.

Au niveau européen tous les pays de l’UE sont soumis aux mêmes obligations en matière de sécurité des aliments. Elles font l’objet du « Paquet hygiène » qui est un ensemble de règlements européens directement applicables depuis le début 2006 dans tous les États membres. Il s’applique à l’ensemble de la filière agroalimentaire depuis la production primaire, animale et végétale, jusqu’à la distribution au consommateur final, en passant par l’industrie agroalimentaire, les métiers de bouche, et le transport. Un commissaire européen a en charge la santé et la sécurité alimentaire et s’appuie sur la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire et deux agences spécialisées : l’Agence exécutive pour les consommateurs, la santé, l’agriculture et l’alimentation  (CHAFEA) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Le rôle de l’EFSA est particulièrement important pour la définition des risques. Or les modes d’évaluation de l’EFSA et ses conclusions (ex : néonicotinoïdes,  glyphosate, perturbateurs endocriniens) sont souvent l’objet de controverses quant aux conflits d’intérêt et à l’indépendance des évaluateurs vis-à-vis des industriels. L’UE envisage donc de revoir ses modes d’évaluation des risques.

 

1.2 – Au niveau national

La sécurité alimentaire est pilotée par le Ministère  de l’agriculture et de l’alimentation et, en son sein, par La Direction générale de l’alimentation (DGAL) qui veille à la sécurité et à la qualité des aliments à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. Mais la sécurité alimentaire dépend aussi du Ministère de l’économie qui a la tutelle de la DGCCRF  (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Est aussi concernée la Direction générale de la santé qui dépend du Ministère des solidarités et de la santé !

Au niveau départemental la mission de contrôle de la DGCCRF est assurée par les DPPP (Direction départementale de protection des populations) qui regroupent les services vétérinaires et les services de répression des fraudes.

La mission de contrôle incombant à la DGCCRF et localement aux DDPP prend plusieurs formes en regard des règles fixées au niveau européen ou au niveau national :

  • Le contrôle des établissements concernés (agriculteurs, abattoirs, restaurants, entreprises agro-alimentaires, transporteurs, distributeurs...) ;
  • Le contrôle des aliments et des aliments importés ;
  • La bonne information des consommateurs et le respect des pratiques commerciales (étiquetage, prix, conservation des produits, dates de péremption, etc.).

A cette mission de contrôle s’ajoute la gestion des crises suite à une alerte qui peut avoir différentes origines (pouvoirs publics européens ou nationaux, consommateurs, industriels, etc.). Ces alertes peuvent conduire à un rappel et un retrait des produits concernés qui sera d’autant plus efficace que les règles de traçabilité et d’étiquetage auront été respectées. Exemples récents : l’affaire Lactalis (présence de salmonelles dans le lait).

Les services de l’Etat s’appuient notamment sur  l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui est l’équivalent au niveau national de l’EFSA au niveau européen. En s’appuyant sur ses laboratoires et sur des données scientifiques l’ANSES a une mission d’évaluation des risques, de surveillance épidémiologique, d’alerte des consommateurs et de conseil des pouvoirs publics. Exemples récents d’alertes et recommandations de l’ANSES : la présence de substances dangereuses dans les couches pour bébés et la demande d’interdiction des cabines de bronzage.

 
2 -  Du côté des professionnels
Tous les professionnels acteurs de la filière alimentaire (éleveurs, agriculteurs, distributeurs, restaurateurs, etc.) doivent respecter le « Paquet hygiène » fixé par l’UE. Ils ont vis-à-vis de cette réglementation une obligation de résultat (et pas seulement de moyens). En découlent trois grands outils de prévention et de maîtrise des risques : traçabilité, suivi des règles des guides de bonne pratique, autocontrôle.

 

2.1 – Traçabilité.

Elle permet de reconstituer l’historique complet d’un aliment de sa production à sa distribution et doit permettre le cas échéant de retrouver tous les produits devant faire l’objet d’un rappel y compris chez le consommateur l’ayant acheté. Si la traçabilité s’est améliorée depuis l’affaire de la vache folle, de récentes affaires (Lactalis, fraude à la viande de cheval) montrent néanmoins ses limites, soit à cause de fraudes délibérées, soit par négligences dans les autocontrôles. Si l’origine de la viande fraîche est dans l’ensemble renseignée et portée à la connaissance du consommateur quoique de manière simplifiée ce n’est pas le cas pour les produits transformés comme l’a montré une de nos récentes études où l’origine de la viande utilisée était masquée dans 54% des produits.  Nous demandons donc  à ce que l’étiquetage quant à l’origine des produits soit renforcé. Suite à cette demande relayée par d’autres associations, l’UE a autorisé la France à conduire une expérimentation en ce sens qui est en cours en France depuis le début 2017. Pour en savoir plus sur la traçabilité et nos actions consultez ce dossier.

2.2 – Les guides de bonnes pratiques d’hygiène (GBPH)

A partir du règlement européen les différentes catégories professionnelles concernées ont été invitées à élaborer des guides spécifiques de bonnes pratiques (les GPBH). Ces guides fixent pour chaque filière les grandes règles d’hygiène à respecter en rappelant les principales sources de problèmes : les 5 M : matières premières (réception, préparation, entreposage...), matériel (équipements conformes, entretien, nettoyage), milieu (aménagement et organisation des locaux, revêtements, gestion des déchets...), méthodes (organisation du travail, procédés, contrôles...), main d’œuvre (équipement, formation, respect des règles).

2.3 – L’autocontrôle

Toujours selon le règlement européen, les professionnels sont tenus de mettre en place des mesures d’autocontrôle de respect des règles qui relèvent de démarches de contrôle qualité. Elles peuvent faire appel à la méthode HACCP (Analyse des dangers et points critiques pour leur maitrise).  La HACCP n’est pas une norme en soi mais une méthode d’évaluation des risques basée sur 7 principes et 12 étapes qui identifie, évalue et maîtrise les dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments.

 
3 – Du côté des consommateurs
Le consommateur est le dernier maillon de la chaîne. Même s’il achète des aliments sains, il lui incombe de respecter un certain nombre de règles jusqu’à leur consommation finale. Il existe un guide de bonnes pratiques (GBPH) à l’usage des consommateurs consultable et téléchargeable à cette adresse. Ce guide recense toutes les règles à respecter en abordant successivement :
  • les dangers (microbiologiques, physiques, chimiques) et leurs causes qui peuvent affecter les aliments du fait du consommateur ;
  • les moyens de les prévenir tout au long de la vie du produit chez le consommateur (achat, transport des produits, stockage, préparation des repas et gestion des déchets) ;
  • des fiches pratiques traitant de chaque situation particulière par exemples : lavage des mains et règles d’hygiène personnelles, entretien et nettoyage des locaux, équipements et ustensiles, organisation du réfrigérateur et du congélateur, règles spécifiques pour les personnes fragiles (nourrissons, personnes âgées...) ;
  • des fiches pratiques pour les produits nécessitant des règles particulières : produits laitiers, viandes, poissons, etc.
 
4 – L’étiquetage des produits
L’étiquetage des produits est un des éléments clefs portés à la connaissance du consommateur… en plus du prix. Il doit lui permettre de faire un choix éclairé en connaissance de cause. Il obéit à une réglementation précise : certaines mentions sont obligatoires, d’autres facultatives, d’autres à l’initiative du fabricant et, dans ce cas-là, relèvent autant sinon plus du marketing que de l’information et dans certains cas peuvent relever d’allégations infondées.

 

4.1 – Nature du produit, liste des ingrédients et quantité

La nature du produit est la première indication et obéit à des règles précises (ex : beurre, yaourt, lait, eau minérale, eau de source, etc.). Viennent ensuite les traitements éventuels : pasteurisation, fumaison, surgélation, ionisation éventuelle. Dans certains cas (produits congelés notamment) un mode d’emploi doit être indiqué. Enfin pour les produits alcoolisés le degré d’alcool doit être mentionné.

La liste des ingrédients doit être indiquée en respectant les règles suivantes :

  • les quantités sont indiquées par ordre de poids décroissant, notamment la part de ceux indiqués sur l’emballage (ex : la quantité de fruits pour un yaourt aux fruits ou « riche en fruits ») ;
  • la présence d’allergènes doit être mentionnée en gras dans la liste ;
  • la présence d’OGM doit être mentionnée et la mention « nourri sans OGM » ne peut être appliquée que si certains critères stricts sont respectés ;
  • les additifs. Ils sont classés par catégorie avec soit leur nom complet, soit leur code. Plus de 300 sont autorisés dans l’UE. Vous trouverez ici leur dénomination et leur code. Nous estimons que 87 d’entre eux sont à éviter ou peu recommandables et nous demandons que leur évaluation par l’UE et l’EFSA soit reprise de manière indépendante. Un exemple récent concerne les tergiversations autour de l’interdiction ou non du dioxyde de titane.

 

4.2 - DLC, DDM (ex-DLUO)

La Date Limite de Consommation (DLC) s’applique aux denrées périssables. Un produit dont la DLC est dépassée ne doit pas rester en rayon dans un magasin. Dépasser la DLC peut représenter un risque pour la santé. Pour certains produits (yaourts ou fromages par exemple) dépasser la DLC de quelques jours peut se faire sans risque, mais avec prudence, en s’appuyant sur l’aspect et le goût du produit. Sauf si la réglementation l’encadre, la DLC est fixée par le fabricant, et dans certains cas pourrait être allongée ce qui contribuerait à réduire le gaspillage alimentaire. Recommandation : ne pas congeler un produit dont la DLC est proche et surtout dépassée !

La Date de Durabilité Minimale (DDM) remplace la DLUO (Date Limite d’Utilisation Optimale) et peut être accompagnée de la mention «  A consommer avant… » ou « A consommer de préférence avant... ». Un produit dont la DDM est dépassée ne présente aucun risque pour la santé mais ses propriétés organoleptiques  (texture, goût) et nutritionnelles (vitamines) peuvent être altérées. Donc on peut conserver et consommer sans risques des produits dont la DDM est dépassée !

 

4.3 - L’étiquetage nutritionnel et le Nutri-Score

L’étiquetage nutritionnel est régi par un règlement européen qui précise les mentions obligatoires à faire figurer sur les emballages alimentaires et les mentions facultatives pouvant être ajoutées. Il est obligatoire sauf exceptions pour toute denrée préemballée. Sont obligatoires la valeur énergétique (en calories), les teneurs en protéines en glucides et lipides. Peuvent être ajoutées la répartition des glucides (part de sucres), des lipides, la teneur en fibres et en sel.

Ces données sont indiquées pour une quantité (100 g ou 100 ml) et parfois par ration (quantité normalement consommée lors d’un repas). Le tableau peut aussi  être complété avec la référence à un apport nutritionnel recommandé (ex quantité de sucre pour 100g en relation avec l’apport journalier de sucre recommandé).

L’étiquetage nutritionnel répond à un besoin d’information du consommateur en relation avec les risques pour la santé d’une nourriture déséquilibrée : trop riche en sucre ou en sel par exemple. Evaluer la qualité nutritionnelle d’un produit à partir de l’étiquetage actuel est impossible pour le consommateur. D’où la nécessité d’un étiquetage simplifié qui d’un simple coup d’œil permet au consommateur d’évaluer la valeur nutritionnelle d’un produit. Après de longs débats, où les industriels de l’agro-alimentaire se sont opposés aux milieux scientifiques et aux associations de consommateurs (dont l’UFC Que Choisir), le Nutri-Score a fini par s’imposer. Ce code  avec cinq couleurs (du vert au rouge) et cinq lettres (de A à E) permet rapidement de repérer un produit de qualité (vert-A) ou de mauvaise qualité (trop gras, trop sucré ou salé rouge-E).

Le Nutri-Score, qui n’est pas pour l’instant obligatoire, a été adopté par plusieurs pays européens dont la France et mis en place par quelques industriels (Fleury Michon, produits Auchan, Leclerc, Intermarché…). Le combat continue pour le rendre obligatoire au niveau européen.

Pour en savoir plus sur l’étiquetage nutritionnel et l’aventure du Nutri-Score consultez notre dossier national. Vous pouvez vous-même calculer le Nutri-Score de vos produits à partir de leur étiquetage en utilisant notre calculateur nutritionnel.

 

4.4 – Labels, logos et allégations

Les emballages des produits sont souvent encombrés de logos divers ou d’allégations relevant plus du marketing qui sont bien sûr beaucoup plus visibles que les mentions nutritionnelles ou la composition des produits qui eux doivent être parfois déchiffrées... à la loupe !

Les labels sont des signes d’identification de la qualité et de l’origine. Ils obéissent à des cahiers de charge plus ou moins exigeants normalement contrôlés et certifiés par des organismes indépendants.

 

Certains (AB, IGP, AOP, Label Rouge...) sont bien identifiés par les consommateurs et sont normalement des garanties quant à l’origine des produits (AOP, IGP, Viande de France) ou la qualité de ceux-ci (AB, Label Rouge).

D’autres obéissent  plus à des opérations marketings (Saveur de l’année, Produit de l’année...) et ont d’ailleurs heureusement moins d’impact sur le consommateur.

Certaines mentions valorisantes (« fermier », « montagne »…) sont reconnues et parfois font l’objet de certifications contrôlées. D’autres relèvent simplement de l’opération marketing et sont à prendre… avec un certain recul.

Les allégations nutritionnelles et de santé (ex « riche en omega3 », « allégé en sucre », « riche en sodium »…) font l’objet d’une réglementation européenne mais l’imagination marketing conduit à une multiplication de ces allégations et une récente enquête de la DGCCRF a montré que le respect de la réglementation était insuffisant.

 
5 – Que faire si... ?
En tant que consommateur vous pouvez et même devez agir pour contribuer à la sécurité alimentaire, la vôtre mais aussi celle de l’ensemble de la population.

1 – Tout d’abord respecter le « Guide des bonnes pratiques » à l’usage du consommateur déjà mentionné.

2 – Si lors de vos achats vous trouvez un produit périmé dont la DLC est dépassée il ne devrait pas figurer en rayon. Signalez-le au magasin. Si vous l’avez déjà acheté le magasin doit vous le reprendre et le remplacer ou vous le rembourser sur justificatif de votre ticket de caisse. De même si (cela est rare mais arrive) si vous trouvez dans le produit des corps étrangers (verre, métalliques, insectes…).

3 – Si vous avez des doutes sur toute question relevant de la sécurité alimentaire vis-à-vis d’un professionnel (produits périmés ou pollués, hygiène, étiquetages non conformes) faites un signalement à la DDPP (Direction Départementale de Protection des Populations) à qui il incombe de mener les contrôles éventuels. Pour l’Hérault : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..

4 – En cas d’effet indésirable suite à la consommation de produits alimentaires un signalement peut être fait au dispositif national de nutrivigilance par un professionnel de santé que vous aurez sollicité.

5 – Et bien sûr n’hésitez pas à faire appel à nous si nécessaire !

 

Le contenu de cet article est extrait pour une très grande part du livre « Guide de la santé dans votre assiette » édité par la SAS Que Choisir qui est une véritable bible pour une alimentation saine !