Vous recevez un courrier d’une société de recouvrement vous enjoignant de payer une dette dont vous seriez redevable auprès d’un professionnel. Les courriers de ces sociétés sont tout sauf aimables. Et pourtant, il s’agit du moins au début d’un recouvrement à l’amiable. Donc pas de panique ! La fiche ci-dessous vous explique les rôles de ces sociétés, leurs droits mais aussi leurs limites et ce que vous devez faire…surtout si vous contestez la créance qui vous est réclamée.

1- Qu’est-ce qu’une société de recouvrement ?

Les sociétés de recouvrement sont des sociétés de type commercial qui interviennent lorsqu’un créancier n’exerce pas lui-même l’activité de recouvrement de ses créances envers des tiers.

L’activité de ces sociétés est réglementée aujourd’hui très précisément dans les articles R124-1 à R124-7 du code des procédures civiles d’exécution (qui reprend en cela les dispositions du décret du 18/12/1996)

Et s’il s’agit d’un huissier de justice ?

Les huissiers de justice peuvent aussi jouer le rôle d’une société de recouvrement pour un recouvrement à l’amiable. Dans ce cas, leurs obligations sont exactement les mêmes et il ne faut pas se laisser impressionner par l’en-tête des courriers. La situation serait différente si l’huissier disposait d’un titre exécutoire (décision de justice).

 

2- Le champ d’action de ces sociétés

Il faut distinguer deux situations :

2.1- Délégation de l'activité de recouvrement.

C’est la situation la plus courante : le créancier (particulier, établissement financier, bancaire, etc.), délègue son activité de recouvrement à la-dite société de recouvrement.

Nous sommes dans le cadre d’un mandat de gestion. Dans cette situation, le créancier ne dispose d’aucun titre exécutoire (jugement, ordonnance, etc.). Il ne peut donc faire procéder qu’au recouvrement amiable de sa créance, les voies d’exécution sont fermées.

Rappelons que pour effectuer un recouvrement amiable, la créance doit remplir les 3 conditions suivantes :

  • liquide : montant déterminé ;
  • certaine : ne faire l’objet d’aucune contestation ;
  • exigible : la date limite de paiement n’est pas dépassée.

Tous les moyens de recouvrement amiable sont mis à sa disposition (relance par courrier, relance téléphonique, déplacement au domicile, utilisation de robot d’appel automatique, etc.). Toutefois ces actions sont limitées et contrôlées par la loi qui sanctionne l’abus de certaines pratiques,

2.2- Créance prescrite, pas de recouvrement amiable.

Il y aussi le cas où le recouvrement ne peut être amiable car la créance est prescrite (réforme des délais de prescription : loi du 17 juin 2008 la prescription de droit commun est de 5 ans + l’envoi d’une mise en demeure en recommandé ne suspend pas la prescription arrêt de la Cours de Cassation du 26 juin 1991). Ces créances prescrites font souvent l’objet d’une opération qu’on appelle « titrisation », cela signifie le rachat de créance à un moindre coût. Dans cette situation le créancier n’a aucun recours contre le débiteur par des voies d’exécution par exemple, la dette peut ne pas être payée par le débiteur.

 

3- Les limites de l’action de ces sociétés : abus de droit et sanctions

Les sociétés de recouvrement utilisent de plus en plus aujourd’hui des méthodes radicales de recouvrement de créances en vue d’obtenir des résultats. Elles doivent cependant respecter un certain formalisme dans leur action de recouvrement amiable.

Leur action ne peut débuter que par l’envoi d’une notification préalable envoyée au débiteur en recommandé AR. Elle doit contenir les mentions suivantes :

  • Les nom ou dénomination sociale de la personne chargée du recouvrement amiable, son adresse ou siège social, l'indication qu'elle exerce une activité de recouvrement amiable ;
  • Les nom ou dénomination sociale du créancier, son adresse ou son siège social ;
  • Le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts et autres accessoires, en distinguant les différents éléments de la dette, et à l'exclusion des frais qui restent à la charge du créancier en application du 3e alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 susvisé ;
  • La reproduction des 3e et 4e alinéas de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 précitée.

Le formalisme ci-dessus ne s’applique pas si le recouvrement est fait par un huissier de justice.

Rappel important : La société de recouvrement ne peut demander le paiement au débiteur de frais supplémentaires (frais de dossier, d’intervention, etc.) car dans le cas d’un recouvrement amiable ces frais restent à la charge du créancier en l’absence d’un titre exécutoire (c’est-à-dire d’une décision de justice).

Pour ce qui est des relances répétées par courrier et par téléphone, l’article 222-16 du Code pénal sanctionne tout type de harcèlement répété par voie de courrier ou de téléphone. La société de recouvrement doit donc rester vigilante aux types des relances et à leur répétition. La pratique veut qu’un appel suffise pour annoncer au débiteur qu’il est redevable d’une somme, dans ce cas un appel réitéré deux fois pourrait être assimilé à du harcèlement. Il est ainsi reconnu que les automates d’appel ou appel en numéro masqué sont illégaux (exemple : appels répétés une fois par jour ou plusieurs fois par jour).

Les relances par courrier sont aussi très réglementées. Ainsi, elles ne doivent pas faire apparaître de contenu intimidant, menaçant auprès du débiteur (exemple : présence de caractères en gras démesuré, couleur de l’enveloppe faisant penser à une enveloppe d’officier ministériel ou d’administration, etc.). Elles ne doivent pas utiliser un jargon pseudo juridique, exemple : « injonction de payer » ou « avis d’assignation ».

De même, les sociétés de recouvrement de doivent pas usurper la fonction de l’huissier de justice en utilisant des termes menaçants de saisies mobilières, sur compte bancaire ou même de simple envoi à un huissier de justice.

L’article 222-33-2 du Code pénal réprime le harcèlement moral et l’article 433-13 l’usurpation d’une fonction.

Enfin, les sociétés de recouvrement ne doivent pas porter atteinte à la vie privée du débiteur en appelant notamment la famille, des amis, des voisins, l’employeur et révéler l’existence de la dette (article 226-1 du Code pénal). Enfin, la responsabilité du professionnel qui a mandaté la société de recouvrement peut être engagée (article 1384 du Code civil) en faisant valoir les agissements de cette dernière.

4 - Que faire si vous recevez un courrier d’une société de recouvrement ?

Pas de panique ! On a bien vu que les sociétés de recouvrement n’avaient aucun moyen de pression réel contre le débiteur puisqu’en l’absence de titre exécutoire (décision de justice), elle ne peut utiliser aucune voie d’exécution. Néanmoins il faut rappeler que si la créance est fondée et régulière, la pratique du recouvrement si elle bien effectuée est tout à fait légale et justifiée. Il ne s’agit donc pas de tout faire pour éviter de payer une dette qui est peut être justifiée.

Il convient alors de distinguer deux situations :

4.1- Vous reconnaissez l’existence de la dette et acceptez de la payer ou avez des difficultés pour la payer

Envoyez votre règlement directement à votre créancier et informez la société de recouvrement du paiement. Si vous avez des difficultés négociez avec votre créancier des délais de paiement et s’il accepte demandez à ce que cela soit formalisé par écrit.

Si un accord n’est pas possible, n’hésitez pas à déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France. Évitez d’emprunter pour payer des dettes car vous risquez d’entrer dans une spirale de surendettement.

Si vous ne trouvez pas d’accord et que vous êtes assigné à comparaître devant le tribunal, vous recevrez une injonction de payer de la part d’un huissier (ou un commandement de payer les loyers par un huissier) vous pouvez demander au juge (article 1244-1 du Code civil) des délais de paiement qui ne pourront pas dépasser deux ans.

4.2- Vous contestez l’existence totale de la dette ou du moins son montant.

Si la dette est prescrite (attention aux délais et conditions de prescription), adressez un courrier au créancier et à la société en invoquant et justifiant la prescription.

Si par contre vous contestez l’existence de la dette ou son montant, inutile de négocier et discuter avec la société de recouvrement ! C’est auprès du créancier que vous devez faire valoir vos arguments pour qu’il renonce à la créance ou révise son montant.

Dans les deux cas, il faut contrôler le type de recouvrement amiable exercé et trouver des solutions de paiement le cas échéant. En aucun cas, nous ne conseillons la politique de l’autruche, puisque le dossier risque d’être transmis à un huissier (prise de titre exécutoire, ouvertures des voies d’exécution, frais supplémentaires, etc.).

Tenez compte aussi du montant de la dette. Les frais de justice qui pèsent sur le créancier pour demander par exemple une ordonnance d’injonction de payer sont à ce jour de 35 euros. Si une créance est de 40 euros le créancier n’ira jamais jusqu’à un recouvrement judiciaire de sa créance car il risque de payer plus de frais que ce qu'il va en retirer.

→ Dans tous les cas nous vous conseillons :

  • De faire appel à l'UFC Que Choisir Montpellier pour vous aider à contester la dette auprès de votre créancier si vos premières démarches n’ont pas abouti.
  • De ne pas céder aux pressions ou menaces de la société de recouvrement, de lui rappeler ses obligations notamment concernant le harcèlement et de recueillir toutes preuves en ce sens (surtout si la société fait pression sur vos proches !).
  • Si vos démarches et nos démarches n’aboutissent pas et si le créancier persiste, le litige finira par être porté en justice et vous pourrez faire valoir vos arguments et vos droits devant le tribunal.