La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi organique relative au renforcement de l’organisation des juridictions ont été promulguées le 23 mars 2019. Complétés par plusieurs décrets d’application dont celui du 11 décembre 2019 pour la justice civile, elles sont complètement entrées en application depuis le 1er janvier 2020 avec la réorganisation des Tribunaux.

Nous ne traiterons dans ce dossier que de la justice civile. La justice pénale (Tribunaux correctionnels, cours d’assises) et la justice administrative sont aussi concernés par cette nouvelle loi, mais les litiges que nous traitons relèvent dans la majorité des cas de la justice civile. Cette loi qui vise notamment à désengorger les Tribunaux des « petits litiges » comporte de nouvelles dispositions concernant :

 
1 – Réorganisation des Tribunaux

L’organisation de la justice civile de première instance est profondément modifiée avec la création, depuis le 1er janvier, des Tribunaux judicaires.  Ils deviennent la clé de voûte du système en « fusionnant » les TGI et les TI qui disparaissent. Plusieurs cas de figure sont cependant à considérer.

- Si le TGI et le TI étaient dans la même commune sur le même site, l’ensemble TGI/TI devient le Tribunal Judiciaire.

- Si le TGI et le TI étaient dans la même commune mais sur deux sites différents (exemple Montpellier), le TGI devient le Tribunal Judiciaire et le TI devient Annexe du Tribunal Judiciaire.

- Si le TGI et le TI étaient dans des communes différentes , le TGI devient le Tribunal Judiciaire et le TI devient le Tribunal de Proximité (exemple Sète).

L’annexe du Tribunal Judiciaire tout comme le Tribunal de proximité garde des compétences proches de celles dévolues aux ex-TI (par exemple, traitement des litiges de vie quotidienne inférieurs à 10 000 €).

Le Tribunal Judiciaire statuera en première instance en matière civile et pénale. Lorsqu'il statuera en matière pénale, il sera dénommé Tribunal Correctionnel ou Tribunal de Police.

Enfin des juridictions spécialisées continuent d'exister à côté des Tribunaux Judiciaires tels que : Tribunaux de commerce (litiges entre deux commerçants, sociétés commerciales, ou relatif à un acte de commerce), Tribunaux paritaires des baux ruraux, conseils de prud'hommes (pour les litiges de droit du travail), Tribunaux des enfants, etc.

Tout ce qui n'est pas attribué à une de ces juridictions spécialisées est de la compétence du Tribunal Judiciaire (y compris maintenant le contentieux de la Sécurité sociale).

Le ministère de la Justice annonce par ailleurs que la vie des usagers sera facilitée par le déploiement dans l’ensemble des Tribunaux judicaires et des Tribunaux de proximité (et dans certaines Maisons de la justice et du droit) des Services d’Accueil  Unique du Justiciable (SAUJ).

Le SAUJ a une mission d'information générale (informations sur les procédures de manière globale), particulière (informations plus spécifiques) et de réception d'actes (réceptionner les demandes et pièces justificatives pour les transmettre au service compétent).

Le décret n°2017-897 du 09 mai 2017 précise le périmètre de compétences du SAUJ en définissant la liste des actes pouvant être réceptionnés par ce nouvel accueil (en matière civile et prud’homale, en matière pénale et en matière d’aide juridictionnelle).

Le SAUJ (civil, Prud’hommale et pénal) a été créé dans un souci de simplification des démarches pour le justiciable et d'amélioration des informations délivrées au public.

Service autonome, le SAUJ regroupe l'accueil de tous les services du Tribunal tels que Tribunaux judicaires et des Tribunaux de proximité. Ainsi les greffiers affectés aux SAUJ pourront réceptionner et transmettre tous les actes de procédures entre Tribunaux d’un même secteur dès lors que la présence d’un avocat ne sera pas obligatoire.

Au sein du Tribunal Judiciaire, un ou plusieurs juges exerceront les fonctions de juge des contentieux de la protection. Il s'agit d'une nouvelle fonction instituée par la loi de 2019. Ces juges sont spécialisés dans « les problématiques liées aux vulnérabilités économiques et sociales (tutelles des majeurs, crédit à la consommation, inscription et radiation sur le fichier des incidents de paiement, surendettement, expulsions…).
 
2 –  Le recours obligatoire à un mode alternatif de règlement des litiges

La loi renforce l’obligation de recourir à la conciliation, à la médiation ou à une procédure participative pour tenter de régler certains litiges. Lorsque la demande porte sur un litige n’excédant pas 5000€ ou qu’il est  relatif à un conflit de voisinage, la saisine du Tribunal doit, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, être précédée, au choix des parties :

  • Soit d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice,
  • Soit d'une tentative de médiation,
  • Soit d'une tentative de procédure participative.

Le décret du 11 décembre 2019 précise les actions concernées par cette obligation et les exceptions à ce principe comme les litiges liés aux crédits immobiliers et les crédits à la consommation.

2.1 - Les conciliateurs de justice sont  des auxiliaires de justice assermentés et bénévoles. Ils ont pour mission de permettre le règlement à l'amiable des différends qui leur sont soumis. Ils sont chargés d'instaurer un dialogue entre les parties pour qu'elles trouvent la meilleure solution à leur litige, qu'elles soient personnes physiques ou morales. Vous pouvez saisir vous-même un conciliateur de justice ou celui-ci peut être saisi d’office par le juge avant toute procédure.  Son intervention est gratuite. Pour en savoir plus, notamment sur les décisions et les suites de la conciliation.

2.2 - Pour les litiges entre locataires et propriétaires la Commission Départementale de Conciliation  (CDC) peut être saisie. Selon le type de litige (état des lieux, décence...), il peut être obligatoire de la saisir avant de faire appel au juge. La CDC intervient gratuitement. En revanche, le locataire et le propriétaire d'un logement loué avec un bail mobilité n'ont pas accès à la commission de conciliation.

2.3 -  La médiation  désigne un processus de règlement extrajudiciaire des litiges, par lequel un consommateur et un professionnel tentent de parvenir à un accord pour résoudre à l’amiable un litige qui les oppose, avec l’aide d’un tiers, le médiateur. A défaut d'accord amiable entre les parties, le médiateur leur propose une solution pour régler le litige. Chaque professionnel doit indiquer dans ses CGV (Conditions Générales de Vente) le médiateur auquel ses clients peuvent s’adresser. La Commission d’Evaluation et de Contrôle de la Médiation de la Consommation (CECMC) a pour rôle d’évaluer l’activité des médiateurs de la consommation et d’en contrôler la conformité avec les exigences du Code de la consommation. Elle est chargée d’établir et de mettre à jour la liste des médiateurs qu’elle notifie auprès de la Commission européenne. Certains médiateurs publics (Médiateur de l’Energie, Médiateur de l’eau, Médiateur Tourisme et Voyages...) ont une compétence élargie à l’ensemble de leur secteur. D’autres peuvent intervenir sur plusieurs secteurs.

Pour les litiges transfrontaliers il peut être fait appel à la plateforme européen de règlement en ligne des litiges et au Centre européen des consommateurs. Normalement la médiation est gratuite mais il convient de s’en assurer avant de saisir un médiateur.

2.4 - La procédure participative  nécessite l’intervention d’un avocat. C’est une convention par laquelle les parties qui s’opposent, s’engagent, avant de saisir la justice, à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend.

Lorsque les parties ne parviennent pas à trouver un accord, chacune d'entre-elles a la possibilité d'agir en justice par la suite.

Lorsque les parties parviennent à un accord, celui-ci peut être constaté par écrit par le conciliateur. Chaque partie reçoit alors un exemplaire signé par chacune d'entre-elles. Un autre exemplaire est déposé au tribunal. Cet accord n'a pas de valeur contraignante si bien que les signataires peuvent au final ne pas respecter leur engagement.

 
3 – Compétence des Tribunaux. Comment les saisir et présence ou non d’un avocat

Le Tribunal Judiciaire est compétent pour toutes les affaires civiles et commerciales sauf celles pour lesquelles la compétence est attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction (tribunal de commerce, des prudhommes, etc.).

Le Tribunal géographiquement compétent est, en principe, celui du lieu où réside la personne contre laquelle l’action est menée, appelée le défendeur. Il est aussi possible, dans un litige portant sur l’exécution d’un contrat, de saisir le Tribunal du lieu d’exécution de la prestation ou de la livraison de la chose. Un consommateur en conflit avec un professionnel peut également opter pour le Tribunal du lieu où il demeurait lors de la signature du contrat ou de la survenance du fait dommageable.

Les Tribunaux de proximité (ex Tribunaux d’instance ou TI) gardent les compétences dévolus aux ex-TI (par exemple les litiges inférieurs à 10000 €) mais ils  pourront se voir attribuer des compétences matérielles supplémentaires. Le SAUJ sera à même de vous orienter vers un Tribunal de proximité si votre litige peut y être traité.

Comment saisir le Tribunal Judiciaire ? il faut adresser au SAUJ compétent un acte introductif d'instance. Il y a deux sortes d’actes :

  • L’assignation: il s’agit d’introduire une action en justice par un acte d’huissier transmis à l’adversaire. Cet acte l’informe qu’une procédure devant un Tribunal est engagée contre lui. C'est une copie de l'acte appelée « second original » que l'on adresse au SAUJ. C’est le mode de saisine habituel de la justice.
  • La requête : c’est une procédure plus simple pour par exemple :  les procédures sans adversaires (exemple : rectification d’acte d’état civil),  les saisines conjointes du Tribunal par les parties (exemple : modification régime matrimonial), ou pour tout litige inférieur à 5 000 €. Le formulaire pour déposer la requête peut être obtenu auprès du SAUJ ou sur le site servicepublic.fr.
  • Les requêtes en injonction de faire (exemple : livraison d’un bien, fin de travaux...) ou injonction de payer (dette) sont des requêtes qui permettent normalement d’obtenir du juge une décision rapide pour des sommes de moins de 10000 €.

En fonction de la matière, du montant de l'affaire ou des règles de compétence territoriale, le litige pourra être jugé au siège du Tribunal Judiciaire ou à l'un de ses bâtiments annexes, par exemple un Tribunal de proximité. Le Tribunal géographiquement compétent est, en principe, celui du lieu où réside la personne contre laquelle l’action est menée mais dans un litige portant sur l’exécution d’un contrat, il est possible de saisir le Tribunal du lieu d’exécution de la prestation ou de la livraison de la chose. Un consommateur en conflit avec un professionnel peut également opter pour le Tribunal du lieu où il demeurait lors de la signature du contrat ou de la survenance du fait dommageable.

Faut-il être assisté d’un avocat ?

Devant le Tribunal Judiciaire, notamment pour les litiges relevant de sa compétence exclusive, l’avocat est obligatoire. Quand le montant de la demande en justice est inférieur à 10 000 €, l’avocat est facultatif (Il est possible de se défendre seul ou d’être assisté par un conjoint ou un proche parent, mais celui-ci doit alors justifier d’un pouvoir spécial)

Devant le juge du contentieux et de la protection (nom des juges officiant dans les annexes des Tribunaux Judiciaires et les Tribunaux de Proximité), l’avocat est facultatif.

Lorsque vous faites appel à un avocat, il se chargera d’introduire l’instance pour votre compte. Il vous tiendra informé des démarches entreprises et de la date d’audience. Lorsque vous décidez de vous défendre seul, vous devez vous adresser au SAUJ.

Le déroulement du procès devant le Tribunal de proximité ou devant le Tribunal Judiciaire a subi quelques modifications avec la nouvelle loi.

Si le montant du litige est inférieur ou égal à 5.000€, que les 2 parties sont d’accord et qu’il n’y a pas d’avocat, la procédure peut se dérouler sans audience. Dans ce cas  la procédure est seulement écrite et le Tribunal statut en dernier ressort (pas d’appel possible sauf devant la cour de cassation).

Le jugement est mis en délibéré par le Tribunal qui fixe la date à laquelle il sera rendu mais depuis le 1er janvier la loi a introduit deux modifications importantes :

  • Les jugements qui seront rendus en première instance devront être exécutés même si l’une des parties à l’instance a fait appel sauf exceptions. Par exemple, la partie condamnée à verser des dommages-intérêts à son adversaire devra le faire sans délai.
  • Les possibilités d’appel sont réduites pour les affaires portant sur une somme inférieure à 5 000 € qui ne pourront être contestées qu’en formant un pourvoi en cassation dans le délai de 2 mois. Pour les sommes  supérieures à 5 000 €, les parties peuvent  continuer à contester le jugement en faisant appel dans le délai d'1 mois.

Ces deux mesures : exécution immédiate et appel réduit au seul pourvoi en cassation (procédure lourde) pour les petits litiges visent explicitement à décourager les possibilités d’appel pour ces litiges et à désengorger les Tribunaux.

 
4 – La place de l’UFC Que Choisir

Quelle est la place d’une association comme la nôtre dans ces processus judiciaires face à un litige de consommation ?

Ce que nous ne pouvons pas faire c’est tout d’abord remplir le rôle assigné à un médiateur ou un conciliateur puisque par définition nous sommes du côté du consommateur pour le conseiller et l’accompagner dans la défense de ces droits. Nous ne pouvons pas non plus vous représenter en justice.

Ce que nous pouvons faire :

  • C’est d’abord vous informer sur vos droits et vous conseiller, vous expliquer les procédures auxquelles vous avez accès et vous accompagner pour les mettre en oeuvre sans pouvoir se substituer à vous devant un conciliateur ou un Tribunal.
  • Ensuite nous pouvons  intervenir en votre nom, si vous êtes adhérent de l’association, auprès du professionnel concerné. Si cette intervention ne permet pas de résoudre le litige nous pouvons aussi en votre nom intervenir auprès du médiateur compétent pour vote litige.
  • Enfin si l’étape de médiation ne permet toujours pas d’aboutir à une solution amiable, nous vous aiderons à déposer un dossier devant la juridiction compétente et , qu’il soit obligatoire ou non, nous pouvons vous mettre en relations avec un avocat partenaire de l’association .

L’expérience montre que très peu (moins de 10%) des dossiers litiges que nous traitons finissent par faire l’objet d’une saisine du Tribunal, mais que pour ceux-ci le jugement rendu est favorable dans plus de 90% des cas à nos adhérents !

En conclusion si vos premières démarches auprès du professionnel avec qui vous êtes en litige n’aboutissent pas, le recours à notre association vous permettra très souvent de trouver une issue favorable au litige sans avoir à vous lancer dans le long processus médiation-conciliation – tribunal.